Article de Laurent GHARIBIAN
Avec Béatrice Bonnaudeau, Léa Tavarès, Lionel Losada, Gérald Cesbron, Franck Jazédé et Nicolas Soulié
Direction musicale : Lionel Losada

Le contexte : en mars 1937, elle a 22 ans, la Môme Piaf goûte au succès sur la scène de l’ABC, prestigieux music-hall. Après des ventes de disques significatives…l’année précédente.
L’argument de la pièce jouée au Studio Hébertot : tout cela donne à certains directeurs de cabaret, dans notre Capitale, l’idée d’engager des chanteuses à voix ressemblant à Piaf. Ces mêmes directeurs n’hésitant pas à faire passer leur protégée pour la vedette elle-même…C’est ainsi que la toute jeune Thérèse chante dans la rue les chansons de son idole. Elle deviendra plus tard la doublure « officielle » du mythe vivant.
» Purement imaginaires, les aventures de Thérèse arrivent en parallèle de la vie d’Edith Piaf jusqu’à ce que les histoires se rejoignent tout à fait » explique Victor Guéroult, auteur inspiré de ce romanesque et touffu moment théâtral autant que musical où il a voulu » raconter une version originale et alternative du mythe Piaf « .
Thérèse jeune, incarnée par la lumineuse Léa Tavarès, croise les trajectoires de personnages hauts en couleurs. Témoin, au début, la scène des boutons de manchettes, et une Lulu pas piquée des hannetons (troublant Franck Jazédé, également protagoniste essentiel sur le chemin de Thérèse…).
Quant à Thérèse adulte, c’est Béatrice Bonnaudeau, pareillement éclatante de vérité et de talent vocal.
Loïc Fieffé met en scène avec autant d’impact les comédiens Lionel Losada (truculent en Marco, patron imaginatif et sans scrupule), Gérard Cesbron (Monsieur Louis, producteur énergique dénué de compassion) et Nicolas Soulié, toujours dans la justesse.
Texte au cordeau, intense ; scénographie rythmée aux scènes contrastées, provoquant l’émotion comme la surprise : notre attention reste en éveil. Inventivité, humour des situations pourtant rudes. Réalisme dans le plein équilibre, toutefois.
Et ces moments de pur bonheur lorsque Thérèse – jeune ou adulte – interprète une brassée de chansons allant de 1936 à 1960.
Comme un arc-en-ciel sur cet exceptionnel parcours de vie que nos deux chanteuses restituent avec magie. Toutes deux nous interpellent : leur sincérité, proprement envoûtante, irrigue le tableau final : un sommet où règne avant tout la poésie d’une aventure humaine hors du commun.
Une aventure collective que l’on doit, à l’origine, à Béatrice Bonnaudeau, elle-même remarquée depuis une décennie dans le répertoire de la chanson dite réaliste. Une confirmation.
Léa Tavarès ? Une révélation.
C’est, de même, le travail d’une équipe soudée, laquelle, c’est évident, a su transcender en scénario crédible un projet assez … baroque. En nous faisant rêver. Tour de force.
Le Studio Hébertot prend, là, un pari ambitieux. Sans hésitation, il faut se laisser apprivoiser par un spectacle que l’on pourrait définir d’un seul qualificatif : énergisant.
Laurent Gharibian