Article de Laurent GHARIBIAN

Gainsbourg réinventé.
Après l’accueil encourageant que lui a réservé le public de l’association La Cigale de Créteil, voici » Couleurs Gainsbourg » pour quatre dates à Paris au Connétable. Un lieu singulier, chargé d’histoire, où la chanson d’expression française reste à l’honneur depuis plusieurs décennies. Sur chacun de ses trois niveaux, le Connétable permet à un même spectacle d’être perçu sous un angle spécifique.
La cave voûtée offre, elle aussi, la possibilité de chanter sans micro. Un climat de proximité recherché par un public sensible à cette caractéristique commune aux cabarets- chanson d’autrefois.
Olivier Philippson peut ainsi moduler sa voix avec plus de nuances qu’à l’accoutumée.
Voix flûtée, tout en douceur mais assurée. Regard satiné. Sourire discret, en suavité. Physique de jeune premier.
Question apparence(s), rien qui pourrait rappeler en quoi que ce soit son illustre aîné.
Et pourtant, le charme agit d’emblée. Une puissance délicate, entièrement dédiée aux mots et aux mélodies du grand Serge dont on se surprend à redécouvrir un échantillon particulièrement représentatif de cette œuvre nourrie (650 chansons) et haute en couleurs.
Ces couleurs, Olivier Philippson les a agencées avec intelligence, sensibilité et humour dans une malicieuse science du contraste.
Au titre d’ouverture, « La chanson de Prévert », succède « Un violon, un jambon ». Quant à « La Javanaise », elle est suivie d’un titre chanté naguère par Régine et Zizi Jeanmaire, « Les bleus ». Et cet instrumental « Dieu fumeur de havanes » précédant la chanson « Les cigarillos »…Clin d’œil subtil.
Entendre sur une scène les rares « Black trombone », « Maxim’s » (a cappella) ou « Le talkie-walkie » juste avant « Les goémons « , et le curieux « Mon père, un catholique » aussi bien que « Les amours perdues », tout cela mérite déjà le respect.
Le plaisir se prolonge avec » L’aquaboniste », « Poupée de cire, poupée de son » et « L’accordéon » qui appartiennent – en quelque sorte – respectivement à Jane, France et Juliette.
Au total, avec » Les bleus » déjà cité, quatre chansons de femmes. Quatre points cardinaux où l’on porte un regard rêveur, admiratif.
Multi-instrumentiste, notre homme fait vibrer son accordéon en modeste virtuose, sachant doser les effets : avec cet instrumental sur « Je t’aime moi non plus » et une brassée de chansons dont » Elisa « , » Les amours perdues « , » Ce mortel ennui » et, en rappel, » Le poinçonneur des Lilas « .
Une lyre gauloise apparaît sur quatre titres dont trois assez emblématiques dans une mise en espace drolatique, légère. La guitare électrique, soyeuse, accompagne quatre des chansons déjà citées : comme une évidence. Une révélation.
Belle idée, » La chanson de Maglia » sur un texte de Victor Hugo autant que » La chanson de Gainsbourg « , signée Romain Didier.
Six titres ne sont pas mentionnés ici. On les dégustera avec la même gourmandise : quelques surprises, à méditer.
» Couleurs Gainsbourg » scelle donc les retrouvailles avec ce mix de grands succès et d’ »anti-tubes », ces chansons moins présentes sur les ondes, parfois même un peu oubliées mais pourtant constitutives d’un univers Gainsbourg marqué du sceau d’une ironie mordante, autant que d’un humour vachard en diable ou d’un cynisme distancié. Un ensemble sous-tendu par un imaginaire débordant où la recherche de l’amour tendre se fait jour en filigrane. Immanquablement.
Voilà ce que propose, avec style, ce vocaliste-confident, sûr de ses choix, maître de ses partis pris. Un artisanat exigeant au service d’un pan irremplaçable de notre patrimoine. Une approche novatrice, moderne, sur un ton assumé, sans lyrisme aucun mais faisant naître, pourtant, une émotion cristalline.
Le flyer de ce spectacle a pour titre » Couleurs Gainsbourg concert par Olivier Philippson « . On pourrait aussi y lire » Olivier Philippson chante Couleurs Gainsbourg « .
Mieux que bien.
Laurent Gharibian
Réservations indispensables : envoix@lavoixestlibre.fr
Entrée libre. Participation au chapeau.

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Merci beaucoup Evelyne bizzzMoa
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