texte Samuel Beckett
mise en scène Jacques Osinski
avec Denis Lavant
scénographie Christophe Ouvrard
lumières Catherine Verheyde
son Anthony Capelli
costumes Hélène Kritikos
dramaturgie Marie Potonet
Quelle mise en scène de Jacques OSINSKI ! M’est restée en mémoire de ce spectacle vu il y a 2 ans environ au Théâtre de l’Athénée une émotion indicible lors de l’apparition d’un petit homme transperçant l’obscurité de la scène, la découvrant, l’habillant de sa seule présence, juste une goutte d’homme dans la nuit profonde, juste l’impression d’avoir assisté à un spectacle cosmique.
La conscience d’un individu configurerait-elle son propre cosmos ? On parle souvent en parlant d’un artiste de son univers, ce qui touche chez Krapp le héros de la Dernière bande, parfaitement incarné par Denis LAVANT, c’est sa proximité avec notre infini petit, son humanité. Compte tenu du contexte, le comportement de Krapp n’a rien d’extraordinaire ni même de fantasque. Simplement dans le silence et la solitude toute chose prend de l’ampleur et une miette de pain pourrait faire figure d’une étoile.
Cette histoire d’un vieil homme qui épluche une sérénade de souvenirs grâce à l’enregistrement d’une bande pourrait sembler pitoyable. Il s’agit en réalité d’une partition musicale inspirée repéchée dans l’espace d’une conscience qui se découvre magique parce qu’elle a la possibilité d’augurer le va et vient d’une mouche entre le passé et le présent.
Faut-il qu’il se ramasse à la pelle Krapp non pas pour parler du malheur parce qu’il est vieux, seul et sans avenir, non pas, parce qu’il a tout de même sa propre ruche de souvenirs sauvegardés dans des cassettes. Alors oui, Krapp physiquement déglingué, a toujours le goût du bonheur. Il faut le voir éplucher une banane, la caresser pour l’entendre rayonner. Krapp est parait-il un écrivain raté et alors ! On peut goûter au souvenir et la saveur d’une bonne banane y participe. Proust n’est pas loin sans doute …quoique plus précieux. Chacun son style. Krapp n’y va pas de la main morte, il se traite de crétin, il jette les cassettes, il coupe sans arrêt sa fameuse bande qu’il repasse en boucle pour continûment réentendre l’histoire de son escapade en barque avec une belle fille dont la cuisse a été égratignée lors d’une cueillette de fraises. Peu de chose n’est-ce pas mais qui suffit à le transporter. Alors oui, cela vaut bien la projection d’une fusée sur la lune ! Pourquoi le bonheur même face au néant ne serait-il pas révolutionnaire ? Krapp a le visage si expressif de Denis LAVANT. Ce dernier est un véritable musicien. Il y a toute une orchestration du bruit des pas au tintement d’un jeu de clés et notre imaginaire ; les phrases venues d’ailleurs comme des images du passé viennent pénétrer la chair. On ne le dira jamais assez, il y a des poèmes incrustés dans la chair.
Krapp qui a la dégaine d’un pantin n’est pas un clown ou alors nous sommes tous des clowns qui refusons de nous voir comme tels.
Accordons-lui le panache d‘exister sur scène pour dessiller notre regard. A voir absolument !
Le 25 Mai 2022
Evelyne Trân
N.B : Article initialement publié dans le Monde Libertaire.net
https://www.monde-libertaire.fr/?article=Quand_le_brigadier_rewind_la_derniere_bande
Magnifique EVELYNE comme d Ab tjrs de l inspiration qui fuse de partout gr bisou Moalov
J’aimeJ’aime