En ce temps-là, l’amour… – Gilles Ségal / Christophe Gand avec David Brécourt : Samedi 14 mai 2022, 20h30 au Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy- l’Asnier 75004 Paris.

Distribution

Metteur en scène : Christophe Gand / Interprète : David Brécourt
Lumière : Denis Koransky / Décors : Nils Zachariasen / Compositeur : Raphaël Sanchez / Costumier : Jean-Daniel Vuillermoz
Durée : 1h10Entrée gratuite, sans inscription.
Dans la limite des places disponibles.

Cette pièce a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en 2019.

« Comme j’ai envié ce père capable de susciter un tel regard d’admiration dans les yeux de son fils » Ce cri du cœur émane d’un individu qui sait faire partie du commun des mortels avec cette particularité cependant, celle d’avoir connu l’enfer, un enfer justement inimaginable pour le commun des mortels.

L’individu en question « Z » dans la pièce est redevenu un homme normal sans histoires, invisible. Non certainement, il ne s’est pas épanché sur sa dramatique expérience de la shoah auprès de son fils qui a été épargné. La vie a repris son cours. Ce fils est loin désormais qui lui envoie d’Amérique, une photo de son petit-fils.

Bien sûr, il songe sur les rapports entre père et fils qui à distance peuvent devenir conventionnels, distraits, banaux. C’est implicite, il n’en dit mot à ce fils, mais il y a ce déclic que représente, tombée du ciel une photo de son petit-fils. Et lui revient en boomerang, le souvenir d’une rencontre dans un train en partance pour Auschwitz, avec un autre père et un autre fils, extraordinaires.

Qui ne s’est pas plu à observer dans les transports en commun ces relations intimes entre un parent et son enfant qui passent parfois juste par des regards, des attentions lesquelles peuvent éblouir l’observateur parce qu’elles ne sont pas criantes, seulement naturelles.

Dans le train de la mort, Z a décidé de ne plus penser, ne plus penser à lui, durant les 7 jours du voyage, il va vivre d’une certaine façon par procuration, à travers un père et son fils d’une douzaine d’années.

Le récit de ce voyage qu’il enregistre pour son fils absent, devient en quelque sorte anachronique. Qui parle, le père qu’il aurait voulu être, le père qu’il a rencontré ? Et le fils celui d’Amérique n’aurait-il pas pu être celui du train de l’enfer ? Qui parle, le vieil homme ou le jeune homme qu’était Z à l’époque ?

Les réactions de Z sont sans phare, il ne comprend pas tout d’abord, comment le père peut faire abstraction de la situation insupportable à laquelle sont confrontés les voyageurs, la promiscuité, l’odeur des excréments, la mort des plus faibles, les cris des survivants. Le père durant tout le voyage déploiera toute son énergie à occuper l’esprit de son enfant, un peu comme Shéhérazade des Mille et Une Nuits, pour l’étourdir, le faire sourire, le voir heureux jusqu’au bout de la nuit …

Alors étonnamment, le récit qui aurait pu prendre la tournure d’une oraison funèbre, devient un hymne à la vie, à sa poésie, à l’amour simplement entre un père et son fils.

La pièce mise en scène par Christophe Gand diffuse une lumière qui ne cesse de chatoyer autour de David Brécourt rayonnant dans ce rôle de conteur. Nous oublions complètement qu’il s’agit d’un seul en scène tant son interprétation est vivante et l’histoire captivante.

Gille Segal, comédien et dramaturge, d’origine juive romaine a certainement puisé dans son histoire personnelle. Il signe avec cette pièce, un bijou de tendresse et d’humanité, en donnant la parole à Z, un commun des mortels par défaut, auquel nous pouvons tous nous identifier, face à son double devenu « extraordinaire ».

« La vie est belle » dit le père à l’enfant, sachant qu’elle va leur être retirée. Il ne s’agit pas d’un déni de la mort ni du malheur, c’est juste un message d’amour.

Article mis à jour le 10 Mai 2022

Evelyne Trân

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