Avec Geoffrey Coppini, Axel Escot, Emma Gustafsson, Anne Naudon, Maurice Vinçon
Assistante à la mise en scène Romane Pineau Régisseur général et créateur sonoreVictor Pontonnier Créateur lumière Jean-Luc Passarelli Scénographe Thibault Vancraenenbroeck Costumière Aude Amédéo Stagiaire Alia Coisman Conception graphique, crédit photos & site web Jean-Philippe Plaza Chargée de diffusion Sylvie Chenard, La Strada & Cies
S’attaquer aux représentations du masculin, voilà un vaste programme qui a pour point de mire un inconscient collectif à l’‘œuvre depuis que l’homme préhistorique s’est mué en homme civilisé.
Dans le domaine du spectacle, les comédiens ont été amenés à explorer la différenciation des genres notamment dans l’antiquité grecque puisque les rôles féminins étaient interprétés par des hommes.
Nous ne couperons pas les ailes de notre inconscient, bien que la surenchère à la mode catapulte la notion de temps de digestion des évolutions de mœurs sans commune mesure avec les strates de notre cervelet préhistorique.
Il importe de souligner que dans la langue française, le genre masculin l’emporte sur le féminin, cette occurrence induit nécessairement la supériorité du masculin et ce à tous les instants.
Au casse-pipe, l’homme toujours en avant, tout simplement parce que ses attributs sexuels sont extérieurs et proéminents. Le concept de la libido fort heureusement reconnait que l’énergie psychique n’est pas l’apanage du seul sexe masculin, disons-le crûment, l’orgasme est unisexe.
La pièce tirée du texte « La chasse à l’homme » de Perrine LORNE met en scène une jeune homme dandy nommé Harold, étouffé par sa mère et sa sœur qui à la suite d’une rencontre avec une belle femme androgyne, « voit vaciller les fondements mêmes de sa masculinité ».
Quel est donc le rôle de la mère vis-à-vis de son enfant de sexe opposé ? Le regard de l’autre sur soi est déterminant surtout lorsqu’il s’agit de la mère. Il est un miroir, un phare renvoyant une image qui anticipe ce que l’enfant va devenir. Avant même de s’éprouver sexuellement mâle ou femelle, l’individu se voit attribuer un genre pas nécessairement conforme à ses désirs.
Pour faire court, il existe un complexe du mâle. Comment ne pas assumer le concept de virilité sous forme de tatouage psychique indélébile, sans risquer de perdre la face aux yeux de sa famille, la première société.
Le regard de la mère joue le rôle de tuteur de la colonne vertébrale de l’adulte à venir. Transfert narcissique oblige, peu de femmes sont en mesure d’accepter que leur garçon ne réponde pas à leurs fantasmes d’avoir engendré un être libéré des faiblesses de la femme, un être qui va échapper à leur propre condition de femme.
La mise en scène de Carole ERRANTE se veut explosive. Pour faire éclater le carcan, le corset dans lequel est enfermé depuis la naissance le pauvre Harold, elle fait résonner de joyeux pétards d’artifice, sous les fards disjonctifs de la danse urbaine du voguing et du twirling bâton.
Les personnages endossent parfois des masques primitifs qui ont fonction de libérer les esprits alors même que les matrones de la galerie familiale croient toujours pouvoir compter sur leur dandy de fils et frère.
Très festif et coloré, le spectacle permet de rire sans complexe à la débandade du pauvre Harold qui ne peut plus réprimer son désir de transgression.
Les interprètes sont épatants. Ils jouent le jeu de l’univers de music-hall, du travestissement et des esthétiques queer qui permettent de prendre du recul de façon quasi diabolique, voire excentrique, vis-à-vis de cette question du genre.
Inutile de chercher à se reconnaître. Nous voilà zébrés par les projecteurs du théâtre, dans tous les sens du terme et c’est époustouflant !
Paris, le 25 Janvier 2019
Evelyne Trân