LES DEMONS librement inspiré du roman de Fédor Dostoïevski mise en scène Sylvain Creuzevault artiste associé – ATELIERS BERTHIER – ODEON THEATRE – accéder aux Ateliers Berthier 1, rue André Suares, Paris 17e – durée 4h (avec un entracte) 21 septembre – 21 octobre 2018 –

avec
Nicolas Bouchaud
Valérie Dréville
Vladislav Galard
Michèle Goddet
Arthur Igual
Sava Lolov
Léo-Antonin Lutinier
Frédéric Noaille
Amandine Pudlo
Blanche Ripoche
Anne-Laure Tondu

traduction française André Markowicz
adaptation Sylvain Creuzevault
scénographie Jean-Baptiste Bellon
costumes Gwendoline Bouget
masques Loïc Nébréda
lumière Nathalie Perrier
régie lumière Jacques Grislin
son, régie générale Michaël Schaller
production, diffusion Élodie Régibier
administration de tournée Anne-Lise Roustan
information, communication Anne Echenoz

 

A travers la mise en scène « monstrueuse » de Sylvain CREUZEVAULT, nous en venons à nous demander si pour Dostoïevski, le Christ n’était pas en réalité une figure politique. Certes elle a échoué et s’est recouverte des dogmes de la religion, mais elle était porteuse d’un idéal de fraternité par-delà le bien et le mal.

 Dostoïevski ne cesse de poser la question de l’avant et de l’après mettant à l’épreuve tous ces personnages dont la conscience est toujours altérée, aliénée par un sentiment de solitude oppressant, insupportable.

 Qu’est-ce donc qu’un démon, sinon une émotion incontrôlable qui va surgir au moment où l’on s’y attend le moins. Ce faisant Dostoïevski pose la question de la liberté individuelle à son sens compromise par différents paramètres liés à la condition humaine, sa durée de vie éphémère, le poids de la cellule familiale, les carcans idéologiques et religieux en héritage, sa fragilité psychique.

 Une conscience individuelle ne peut s’ériger en conscience totalitaire. Les idéologies au pouvoir ont pour fonction d’être l’arbre qui cache la forêt.Qui entend traverser cette forêt, la traverse à ses risques et périls car il ignore qui l’observe, quelle famille il va retrouver, quels pièges l’attendent. Quoi qu’il fasse, il sera tout d’abord considéré comme un étranger. Cette expérience Dostoïevski l’a vécue, notamment lorsqu’il s’est retrouvé au bagne, lui un fils de médecin militaire d’origine noble avec les gens du peuple.

Mais qu’est-ce donc que la collectivité, la forêt, la famille ? Le personnage transversal du roman (plus de mille pages), Stavroguine, dandy efflanqué prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Aristocrate, ancien élève de Stépane Verkhovenski, un professeur idéaliste et libéral, il prend la tête d’un groupe de révolutionnaires. Dostoïevski s’attache cependant davantage à sa vie privée tourmentée qu’à son engagement politique.

 Les idéologies révolutionnaires, socialistes et nihilistes seraient elles le fruit de conflits familiaux, et personnels intenables et les porte-paroles des révolutions, des névrosés, des frustrés, des criminels en puissance ?

 Faute d’être dans l’incapacité de résoudre leurs problèmes internes, leurs propres drames, les démons tels que les nomme Dostoïevski partent à l’assaut de la scène publique en échafaudant des systèmes politiques, complètement déments de son point de vue.

 Parmi tous les portraits des révolutionnaires, un seul semble convaincant, c’est Stépane Verkhovenski, désavoué par son propre fils parce que trop libéral. Il fait partie de l’intelligentsia velléitaire. Dans la pièce, Sylvain CREUZEVAULT lui prête un discours d’Adorno un théoricien violemment critiqué par l’extrême gauche allemande parce qu’il « refuse porter le combat dans la rue ». Est-ce parce qu’il ne peut faire l’impasse de tous les crimes commis au nom des révolutions ?

 Exilé à l’étranger, Dostoïevski s’intéressait beaucoup à la politique. Notamment, il a assisté au congrès de la paix à Genève en 1867 où des représentants de l’Internationale, anarchistes, socialistes ou libéraux ont débattu violemment à propos de la fin du vieux monde.

 Dans la 1ère partie du spectacle, se dessinent les personnalités des protagonistes. Nous les voyons vivre, découvrons leur environnement familial. Cette partie se déroule de façon plutôt lente, comme s’il s’agissait pour le metteur en scène d’exprimer un état de latence générale, la couvaison de l’incendie de la 2ème partie.

 Celle-ci est par contraste dynamique, avec des effets spectaculaires comme ses immenses panneaux panachés de slogans révolutionnaires qui se déplacent sur la scène sous l’ambiance tapageuse d’une musique techno.

 Tous les personnages parlent beaucoup, voire énormément.Ils apparaissent tous très marqués, l’apparence physique est déjà un vocabulaire. Les comédiens incarnent si bien leurs personnages qu’il suffit de les observer pour croire les deviner. La vérité c’est que la force émotionnelle de leurs propos mais aussi leur teneur philosophique, existentielle, exige beaucoup de concentration de la part du public.

 Sylvain CREUZEVAULT a fait le pari de faire l’anatomie de ces démons, il n’y pas de cerveau sans corps et inversement. Anatomie ou autopsie suspecte certes car Dostoïevski n’y va pas de main morte. Faut-il qu’il se souvienne avoir risqué sa tête pour quelques velléités révolutionnaires !

 Très démonstrative, la mise en scène de Sylvain CREUZEVAULT parle bien de tous ces corps calcinés, démembrés, consumés, et pourtant une main encore fumante se dresse, apostrophe les vivants et les morts, pour témoigner que l’homme peut renaître de ces cendres tel le phénix à condition de se regarder en face. Le miroir est décevant, voire bien terni mais ce qu’il renvoie a figure humaine de façon renversante.

 Paris, le 7 Octobre 2018

 Evelyne Trân

 

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