Auteur : Thierry Laurent
Compagnie Les Fées du Zinc & Math Production
Avec Anatole YUN, Vanessa CHENG, François FLORIS
Mise en scène : François FLORIS
Vidéo, son et lumières : Alexandre SANTIAGO
Costumes : Alice ANSELMI
Il y a déjà près de trente ans qu’a eu lieu le massacre de milliers d’étudiants sur la Place TIENANMEN, le 3 Juin 1989. Cet évènement eut un retentissement mondial. Evidemment, la plupart d’entre nous, n’avons pas suffisamment de connaissances historiques et politiques pour aborder l’évolution de la Chine.
Comment imaginer que la muraille de Chine, millénaire, élevée par des esclaves, qui parait-il peut être vue de la lune, ait pu être martelée à coups de poings par une poignée de jeunes gens qui entendaient ingénument entrer dans une nouvelle ère, celle de la liberté.
Trente ans plus tard, le constat est terrible. Les témoins survivants du massacre, aujourd’hui quinquagénaires, ont appris à composer avec le système. L’idéalisme des dissidents chinois s’il s’exprime à l’étranger est complètement minoritaire. Pire, ces dissidents seraient devenus une monnaie d’échange pour des tractations économiques.
Tous qu’ils le veuillent ou non sont manipulés pour continuer à pousser la grande roue de l’empire du milieu.
Thierry LAURENT dans la pièce « Un amour à Tienanmen » s’est attaché à faire le portrait de trois personnages sur une période allant des années 70 aux années 2000 : le dissident Liu un cadre ingénieur, intègre, voire rigide, inspiré du dissident Liu Qing que l’auteur a contribué à faire libérer en 1995, un policier cruel et cynique, une étudiante hédoniste et consumériste « dont le penchant pour l’érotisme est inspiré par le texte provocateur affiché sur un dazibao intitulé sex open placardé dès 1978 ».
La rencontre des trois personnages dans le cadre fictionnel d’un huis clos, est d’ordre ostentatoire. Que peut-on attendre d’un interrogatoire entre un dissident et un policier ? Chacun est dans son rôle, l’un, le dissident, obéit à sa voix intérieure, viscérale, l’autre, le policier est résolu à servir sa fonction, sans état d’âme.
Le face à face entre le dissident et l’étudiante nous a paru plus extraordinaire.
A vrai dire, l’interprète de l’étudiante, loin de se contenter de la superficielle étiquette d’hédoniste, donne au personnage une véritable ampleur, celle d’un être déchiré qui n’a pas d’autre urgence à exprimer que celle de vivre pour affronter la vision intolérable du massacre de Tienanmen.
Anatole YUN, L’interprète du dissident compose un personnage douloureux mais toujours digne et François FLORIS campe avec énergie un policier odieux et inquiétant.
La mise en scène très sobre et efficace de François FLORIS pose les jalons du cadre qui pèse sur les personnages. Le portrait de Mao impassible, trône au-dessus de la scène, tel un dieu immuable sensé encore incarner la Chine.
La réplique finale de la jeune fille que nous reproduisons ci-dessous est à méditer :
« La liberté ! Un poison inventé par les Occidentaux pour nous perdre. Nous sommes ici un milliard cinq cents millions. Et la Chine est comme une montagne de sel humide. La liberté serait comme un vent chaud qui sécherait le sel et disperserait les grains à tous horizons. Si nous donnons une quelconque liberté aux individus en Chine, nous deviendrons comme des grains de sel, éparpillés à tous vents, et nous disparaîtrons. »
Dans ce spectacle, il importe juste d’écouter les propos des personnages, dépassés par les évènements, les manigances et intrigues politiques, qui reconnaissons-le, nous dépassent également.
Mais à notre petite échelle, celle d’observateur étranger, nous sommes néanmoins interpellés et bouleversés par cette pièce.
Que le public vienne nombreux encourager cette belle équipe artistique.
Il y a 1500 spectacles au festival off, celui-ci, nous l’espérons ne sera pas oublié dans la masse.
Nous avons eu le coup de cœur pour l’interprète principale Vanessa CHENG, une révélation !
Paris, le 13 Juillet 2018
Evelyne Trân