Durée 2h00
De Molière
Mise en scène Armand Éloi
Musique Héloïse Éloi-Hammer
Avec Marc Brunet , Thomas Guené , Noémie Bianco , Cyrille Artaux , Arlette Allain , Michel Melki , Bertrand Lacy
Scénographie Emmanuelle Sage
Costumes Paul Andriamanana Rasoamiaramanana
Lumières Rodolphe Hazo
Construction Pascal Quintard
Dans une cage dorée se balance doucement une jeune fille l’air rêveur. Nous revient aussitôt en mémoire le poème de Prévert « Pour faire le portrait d’un oiseau ».
Paradoxalement la vision de cette cage a valeur d’ouverture pour la pièce l’Ecole des femmes, représentée il y a quatre siècles et dont les résonances sont toujours actuelles.
Quiconque a posé son regard sur un oiseau qu’il soit en cage ou non sait pertinemment que le moment viendra où il s’envolera.
L’école des femmes c’est donc l’histoire de l’envol d’une jeune fille sous le regard impuissant de son tuteur qui pourrait être son père mais ne rêve que de devenir son époux.
A travers cette pièce Molière dénonce violemment les mariages arrangés, les mariages forcés très courants à son époque. Il donne la parole à une jeune fille presque une enfant. Son ignorance de la notion de mariage et de la sexualité lui permet d’exprimer ouvertement ses sentiments face à un homme mûr qui s’apprête à la violer en tout bien tout honneur.
Evidemment, le mot viol n’est pas prononcé, un mari avait tous les droits sur son épouse et Arnolphe ne fait qu’enfoncer les clous du statut de la femme en déclarant « votre sexe n’est là que pour la dépendance. »
Pour faire le portrait d’Agnès, il est probable que Molière se soit inspiré des femmes qu’il côtoyait et notamment sa jeune épouse Armande Béjart. Par ailleurs l’amour d’un homme mûr pour une toute jeune femme, n’est ce point le démon de midi, éprouvé par Molière lui-même. Dans cette pièce, l’amour n’est pas aveugle, il illumine, il galvanise Agnès et contrarie les affirmations misogynes d’Arnolphe.
Sous le phare de la comédie écrite en vers, agrémentée de quelques instants comiques avec les interventions des domestiques, la langue de Molière chatoie de façon extrêmement vivante et étonnamment nuancée. Il appartient aux auditeurs, témoins du procès du mariage forcé de saisir la justesse ou l’outrance des propos des protagonistes.
La mise en scène très aérée et sobre donne à voir tous les personnages à travers des barreaux qui ceinturent l’espace, l’appel d’air venant naturellement d’Agnès, l’oiseau le plus vif de la volière.
Noémie Bianco incarne avec bonheur la fraicheur et la fougue d’Agnès, face à Marc Brunet qui réussit à rendre humain cet Arnolphe, plus vulnérable que vindicatif.
Cette Ecole des femmes pourrait bien s’intituler l’Ecole des messieurs car ces derniers en prennent vraiment pour leur grade. Grâce au regard avisé d’Armand Eloi, c’est la modernité de Molière qui nous touche au plus profond !
Paris le 12 Mars 2018
Evelyne Trân