une création collective du Théâtre du Soleil
dirigée par Ariane Mnouchkine
avec la musique de Jean-Jacques Lemêtre
en harmonie avec Hélène Cixous
avec la participation exceptionnelle de
Kalaimamani Purisai Kannappa Sambandan Thambiran
https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/notre-theatre/les-spectacles/une-chambre-en-inde-2016-401
https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/a-lire/generique-du-spectacle-4169
Nous entrons comme par effraction dans une chambre en Inde, spacieuse, magnifique, et guidés par une source de lumière, celle d’un rêve, celle du spectacle, nous voilà rendus à notre état premier, celui de spectateur, de voyeur ou de témoin anonyme, libre de circuler à la rencontre d’autres rêveurs.
Le rêve appelle le rêve. Nous spectateurs nous le savons bien que nous avons besoin de ce lâcher prise pour nous ressourcer.
La Compagnie du Théâtre du Soleil avait pour point de mire l’Inde, avec un projet central celui de partir à la recherche du plus vieux théâtre du monde, le Terukkuttu, lorsqu’ont eu lieu les attentats du mois de Novembre 2015 en France.
Le monde du spectacle était visé en première ligne dans l’attentat du Bataclan. Des spectateurs complices des artistes ont été tués simplement parce qu’ils se trouvaient là dans un lieu qui célèbre la création.
« Comment faire du théâtre aujourd’hui ? » ne cesse de se demander Ariane Mnouchkine. Une chose est sûre c’est qu’Ariane Mnouchkine entend rester à l’écoute du public, le plus humainement possible. Son rapport au public est d’ordre charnel, physique, elle n’hésite pas, par exemple, à poinçonner elle-même les billets des spectateurs. Après tout, ne s’agit-il pas de partager ensemble un même rêve lors d’une représentation unique, au même instant.
Le spectacle nous représente une Cornélia metteure en scène coincée en Inde, qui se réfugie dans le sommeil – elle est tout le temps au lit – pour calmer ses inquiétudes face à l’imminence d’une création théâtrale.
Ce sont ses rêves qui se déploient sur scène, de façon décousue, comme en écho au chaos du monde, lesquels rêves déguerpissent dès que retentit la sonnerie du téléphone.
La présence comique de Hélène Cinque, Cornélia, donne le ton du spectacle, qui n’hésite pas à tourner en ridicule, les faiseurs d’attentats, à parler du sort tragique des femmes en Inde ou en Arabie Saoudite, sans pouvoir se dérober à la vision fastueuse, lumineuse offerte par le Terukkuttu, un art traditionnel de l’Inde du Sud, s’adressant à la basse caste et associant le chant, la parole et la danse.
Dans un rêve comme au théâtre tout est possible, même les apparitions impromptues de Shakespeare, de Tchekhov ou de Charlie Chaplin, pour se rafraichir les lanternes.
Dilatation du temps et de l’espace, l’échelle est à la fois grandiose et à taille humaine, puisqu’elle permet à chacun sinon de se positionner, de capter le point lumineux qui rayonne, celui de la liberté de création,
l’instinct de vie contre celui de mort.
Le public, ce dimanche, a applaudi à tout rompre, cette manifestation de liberté dans un spectacle collectif dynamique, illustrant combien le vivier de nos rêves est d’ordre solaire, il fait partie d’une épopée digne de la Mahābhārata.
Paris, le 26 Février 2018
Evelyne Trân