Distribution : De Jean-Philippe Noël, mise en scène Jean-Paul Bordes assisté de Dominique Scheer. Avec Jean-Paul Bordes, François Siener, Jean-Paul Comart, César Dabonneville
« Si jamais le temps outrageux et barbare mutile, brise ou détruit ce chef-d’œuvre de l’art, sa beauté première revit dans la pensée où elle ne s’est pas imprimée en vain. »
Ce sonnet de Michel-Ange résume fort bien les préoccupations spirituelles de l’artiste et au-delà celles du pape de Jules II, mécène et commanditaire de la fresque de la chapelle Sixtine inaugurée en 1512.
Difficile d’imaginer que la création de cette fresque qui recouvre l’intégralité de la voûte de la chapelle Sixtine de 800 M2 soit l’œuvre d’un seul homme, uniquement aidé de son valet qui préparait les couleurs et les enduits.
Il nous manquait un marque page pour saisir en un clin d’œil la nature des relations entre Michel Ange et Jules II. Le voici tout désigné en la plume de Jean Philippe NOEL qui imagine leurs rencontres au cours des quatre années de labeur de l’artiste.
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Bien que fort documentée, la pièce qui relate les différentes étapes de la réalisation du chef d’œuvre, n’est point strictement historique, il s’agit plutôt pour l’auteur d’évoquer les rapports d’homme à homme de deux personnages aux caractères bien trempés que tout oppose.
L’un, Jules II est un homme d’état, plus séculier que religieux et guerrier. Lors de son règne il réussit à étendre considérablement le territoire du Vatican. Il est vrai que les papes de la Renaissance ne ressemblaient guère à ceux du 20ème siècle et plus près de nous au pape actuel. Sous la loupe de Jean-Philippe NOEL, nous découvrons un personnage bon vivant, voire même sympathique capable de ne pas s’offusquer outre mesure des libertés de Michel-Ange fasciné par la nudité des corps au point d’oublier que celle-ci est sacrilège dans une église. Plus préoccupé par la trace qu’il laisserait à la postérité et somme toute visionnaire, Jules II laissa faire Michel Ange.
Michel Ange quant à lui tributaire du mécène qui lui a commandé également un tombeau fantastique rehaussant la mégalomanie de Jules II, se montre volontiers agacé par les visites intempestives de ce dernier qui le presse d’en finir, sachant sa mort proche.
Un troisième personnage, le valet, représente l’interlocuteur terre à terre de bon sens, sidéré par ces énormes personnages.
Les échanges très vifs entre les trois protagonistes sont souvent émaillés de répliques coquines.
Du coup c’est la sensualité, la vanité que dégagent à leur corps défendant, les deux monstres, qui tiennent lieu de suffrages à la beauté de la fresque illustrant une Genèse peu catholique, trop portée sur la chair.
La scénographie suggère fort bien les coulisses de la chapelle Sixtine, devenues l’atelier de Michel-Ange. La mise en scène de Jean-Paul BORDES très alerte est en totale adéquation avec le texte de Jean-Philippe NOEL.
Servi par d’excellents interprètes, le spectacle se savoure sans faim, c’est juste un petit régal.
Evelyne Trân
Paris, le 26 Février 2018