DAUTIN revient (ça fait du bien !) par Laurent GHARIBIAN

Ivry-sur-scène, un Forum Léo Ferré plein à craquer pour fêter, en ce 12 novembre, le retour d’Yvan Dautin. Comme à l’accoutumée, c’est sur scène qu’il déploie sa science du réel et de l’illusion. Faisant alterner le grave et le léger à l’intérieur d’une même chanson, aussi bien que dans le déroulement de son spectacle, il convainc avant de séduire. Au piano, Angelo Zurzolo, par ailleurs fin mélodiste, apporte avec maestria un sens rythmique aussi percutant que délicat. Mieux qu’un accompagnateur, un alter ego sans ego démesuré, l’humour en plus, très personnel, en accord parfait avec Dautin qui revisite ses anciens succès comme s’il les chantait pour la première fois.

Dans son approche, une fausse part d’improvisation maîtrisée à tel point qu’on est bluffé du début à la fin. Kate, Marie Charlotte, Les mains dans les poches sous les yeux, La mal mariée, Son bas fila, elles sont là, intactes, restituées avec un plaisir gourmand. Elles ont, pour certaines, quarante ans d’âge, ces chansons. Elles tiennent la route et dépassent allègrement le cadre de toute actualité passagère. On est heureux de retrouver La Portugaise (musique Julien Clerc), mais aussi des titres plus récents extraits de l’excellent album paru en 2008 – et réédité depuis – « Ne pense plus, dépense », comme La Femme battue, L’Huissier (musique signée Zurzolo), On est de ce pays…

Le ton y est plus mélancolique, le regard sur le monde flirte avec le désespoir souriant. Tout comme la chanson-titre du dernier album « Un monde à part ». Beauté sombre, parfois glaçante, mais Dautin, méditatif tendre et inquiet, relève toujours la tête. Et croit en l’homme. Encore un moment du spectacle où Dautin nous bouleverse avec élégance. Et l’amour dans tout ça ? Si besoin était, il pourrait peut-être se résumer en une seule chanson : Je ne vois qu’elle, tendre et ensoleillée.

Mais on n’oublie pas combien le bonhomme reste un comédien accompli. Il possède naturellement ce côté chaplinesque dans sa manière de passer en un instant du cocasse au tragique. Le cocasse ? Un épisode d’anthologie lorsqu’il dit du Prévert : dans La pêche à la baleine, les images prennent ainsi une dimension nouvelle où s’accentue davantage, heureux vertige, l’aspect surréaliste de ce texte entré dans le patrimoine. Autre texte dit, Le président, créé en janvier 2017. Plutôt saignant. Extrait : « Sa langue de bois mort cultive la charogne ». No comment !

Tirée du premier vinyle (1971), on redécouvre La jonque bleue, fantaisie ludique et virtuose. Et puis, voici Dautin un texte à la main pour un inédit couleur menthe à l’eau qu’il s’apprête à enregistrer. Il s’agit de Pourquoi faut-il encore : « Travailler pour la gloire/ Une glace sans tain / Se lever sans vouloir / Et pointer au chagrin / Dans le beau dérisoire / Un pas de deux pour rien ». Le concert se referme sur La Méduse, immanquable. Mais revenons sur un moment particulier par lequel le chanteur se plaît à rappeler son admiration pour Léo Ferré et notamment le travail autour des textes d’Aragon. Il nous offre Il n’aurait fallu, distancié et intensément vécu à la fois. Lumière dans la nuit façon Dautin. Le public est comblé. On le serait à moins.

Laurent Gharibian

• Yvan Dautin est annoncé au Festival Aubercail à Aubervilliers pour le printemps prochain. Date à confirmer. Et à surveiller de près…

Article paru dans JE CHANTE MAGAZINE N° 14 – DÉCEMBRE 2017 – PAGE 19

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