Photo Jean-Louis Fernandez
avec Caroline Arrouas, Dan Artus, Adeline Guillot, Thi Truc Ly Huynh, Hoàng Son Lê, Phú Hau Nguyen, My Chau Nguyen Thi, Pierric Plathier, Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia
en français et vietnamien, surtitré en français
2018 ! Que reste-il donc de la France au Vietnam de nos jours et du Vietnam pour la France aujourd’hui ? Vaste question vu que l’histoire entre le Vietnam et la France chevauche tout de même trois siècles du milieu du 19ème siècle au 21ème.
Les descendants des Vietnamiens qui ont débarqué en France par vagues successives à l’époque de la colonisation pour servir de main d’œuvre dans les usines, ou les tranchées en tant que soldats ou ouvriers soldats pendant les 1ère et 2ème guerres mondiales, ensuite après le départ des Français en 1954 ou la chute ou libération de SAIGON en 1975, depuis baptisée HO CHI MINH VILLE, peuvent-ils imaginer qu’ils doivent leur présence dans ce beau pays la France, aux ambitions d’un certain Jules Ferry qui s’attacha à faire de l’Indochine le principal territoire de l’empire colonial français.
SAIGON fait partie de la colonie de la Cochinchine conquise en 1858. Les Vietnamiens qui ont vingt, quarante ou même soixante ans n’ont pas connu la réalité de la colonisation française. A vrai dire, leurs parents ou grands-parents qui ont souvent évoqué la douleur du déracinement, restaient peu diserts, probablement pour ne pas remuer les plaies.
C’est loin le Vietnam de la France, plus de 10000 km à vol d’oiseau. Mais aujourd’hui, il suffit d’un billet d’avion pour se soustraire à cette distance virtuelle.
L’histoire de quelques vietnamiens expatriés que nous conte le spectacle SAIGON couvre la période entre 1956 et 1996.
40 ans pendant lesquels pour cause de guerres et raisons politiques, des Vietnamiens n’ont pu retourner au pays. Beaucoup avaient quitté leur famille, une fiancée mais les ponts étaient rompus sans espoir. Alors certains ont fondé de nouvelles familles en France et une génération d’eurasiens a vu le jour…
Les personnages se retrouvent tous au restaurant de Marie-Antoinette, une petite dame toute ronde toujours affairée, et grâce à l’idée lumineuse de Caroline GUIELA NGUYEN, ce restaurant tel un tapis volant circule entre Saigon et la rue Saint Antoine à Paris. « Trajet de larmes » dit-elle. Les tableaux sont extrêmement vivants, les dialogues, les réparties très simples. De toute évidence au-delà des paroles, ce sont les gestes, les visages, les mouvements des personnes, leurs intonations, qui intéressent la metteure en scène. Ceux qui ne comprennent pas le vietnamien peuvent avoir l’impression d’assister à un concert d’oiseaux, en étant réceptifs au seul bruit de la langue.
Le mélange des deux langues parlées, le Français et le Vietnamien est à lui seul évocateur du ressenti, du vécu des protagonistes.
Les comédiens jouent de façon si naturelle que le spectateur pourrait croire être lui-même dans un de ces restaurants vietnamiens à l’enseigne de SAIGON avec sa fameuse soupe Pho.
Et du coup, le Vietnam malgré ses 10000 km de distance nous semble plus proche car nous devinons à travers tous ces visages au moins le bonheur du partage, des retrouvailles, en dépit du trajet des larmes…
Le 14 Janvier 2018
Evelyne Trân