Mise en scène : Anne Bouvier
assistée de Pierre Hélie
Avec
Bérengère Dautun et Sylvia Roux
S’imaginer que l’on nait femme au milieu d’hommes en 1861. Plusieurs générations nous séparent de Lou Von Salomé mais il s’agit pourtant d’une figure très moderne qui a contribué à l’émancipation de la femme. Très tôt, Lou Von Salomé a éprouvé sa différence, elle avait cinq rères et son père, général, « fut élevé à la noblesse héréditaire par le tsar Nicolas 1er ».
Lou Von Salomé, femme de lettres allemande d’origine russe, a écrit elle-même sa biographie, elle est l’auteure de nombreux livres, des nouvelles, des textes psychanalytiques notamment et est surtout connue en tant que muse, inspiratrice d’auteurs célèbres tels que Nietzche, Rilke, Paul Rée.
Comment raconter en une heure le parcours étonnant de Lou Von Salomé ? Bérangère DAUTUN, d’instinct, a choisi de laisser parler son cœur, orientant son regard vers une Lou Von Salomé vivante, submergée par ses fantômes. Le terme fantôme n’est pas péjoratif, des êtres aimés peuvent être qualifiés de fantômes dans la mesure où leur présence invisible occupe le miroir d’une perception « border line ».
Bérangère Dautun qui donne voix aux personnes les plus connues qui ont partagé la vie de Lou, fait penser à une magicienne, une drôle de fée qui fait valser sa baguette de sourcier, pour faire jaillir l’eau précieuse, celle que représente pour elle Lou Von Salomé.
Lou Von Salomé, c’était « une compreneuse » pour ses amants amis, devenue l’élève de Freud, elle fut également sa confidente. Pour cerner cet esprit d’aventure intellectuelle et artistique hors normes, il importe de s’engager dans la lecture de ses œuvres et ses correspondances.
Au début du vingtième siècle, vouloir s’affranchir des carcans et des préjugés, être une femme libre, cela n’allait pas de soi et toutes les femmes qui ont été confrontées à des réalités humiliantes, sexistes, pourront se retrouver dans les combats de Lou Von Salomé.
Vêtue d’une robe noire (qui rappelle celle que portait Lou sur une photo où en compagnie de Nietzche et Paul Rée, elle tient les rênes d’une carriole) Sylvia ROUX, à fleur de peau, incarne de façon frémissante, une Lou passionnée, celle qui s’écrie :
« La vie humaine – Ah ! la vie tout court – est poésie. Inconscients de nous-mêmes, c’est nous qui la vivons, jour après jour et fragment par fragment, mais, c’est dans son inviolable intégrité, c’est elle qui nous vit,
qui nous mène ».
La scène fait penser à un immense écrin dont les vagues soulèvent quelques apparitions. Cet aspect précieux et délicat s’harmonise avec le dispositif scénique juste suggestif, un mannequin de couturier, deux fauteuils, un cheval de bois.
La metteure en scène Anne Bouvier entend laisser carte blanche à la magie impressionniste qui se dégage du spectacle, un ardent hommage à Lou Von Salomé !
Paris, le 25 Novembre 2017
Evelyne Trân