Mise en scène : Agnès Bourgeois
Avec
Jean Luc Debattice dans le rôle d’Artaud. Agnès Bourgeois dans le rôle de Florence.
Fred Costa et Frédéric Minière,
musiciens, compositeurs et créateurs d’univers sonores.
Le regard d’une toute jeune fille puis d’une vieille femme sur Antonin ARTAUD, c’est celui de Florence LOEB, la fille du galeriste Pierre LOEB qui a inspiré Patrice TRIGANO, l’auteur de cette pièce « Artaud passion ».
Antonin ARTAUD a fait un portrait de Florence LOEB extrêmement suggestif et pénétrant, daté du 4 Décembre 1946. Il avait rencontré Florence LOEB, lors de son retour à Paris après 9 années d’internement, 2 ans avant sa mort, lors d’un vernissage de ses dessins à la galerie de Pierre LOEB.
C’est un charbon ardent que cette rencontre entre une adolescente et un vieillard. Étonnamment, loin de la rebuter ou de la dégoûter la présence physique d’Artaud fascine la jeune fille.
C’est un corps écriture qu’elle devine, un corps devenu le présentoir d’une souffrance humaine abyssale, exsangue mais animé par une sorte de voyance extra humaine.
Noue entendons Florence tutoyer Artaud comme s’il l’habitait . Par la parole elle invoque sa présence sur scène, elle l’idéalise forcément, elle en fait un dieu :
« Mon mentor, mon pygmalion, la torche vivante que tu étais a éclairé le monde … Par la tendresse qui émane de la profondeur de tes yeux bleus, je tombe sous ton charme… ».
C’est d’ailleurs tout le charme de ce spectacle de laisser planer l’idée du simple amour, de sa pureté, même si elle peut faire ricaner. Derrière la violence du personnage vindicatif et révolté, il y avait la douceur. C’est l’être qui en témoigne dont le personnage de Florence se fait l’interprête à travers son ressenti affectif et non intellectuel.
Artaud ne cessera de prendre la parole, c’est un incroyable résistant – il a subi des dizaines d’électrochocs – mais il est lucide. Il suit obstinément le chemin qu’il s’est donné :
« J’ai choisi le domaine de la douleur comme d’autres celui du rayonnement et de l’entassement de la matière… »
« Toute création est un acte de guerre contre la faim, contre la maladie, contre la vie, contre la mort, contre le destin, c’est pourquoi il n’y a pas de meilleure révolution que le théâtre. Le théâtre double la vie. La vie double le vrai théâtre… ».
Il y a du sentiment dans ce spectacle. Artaud dégaine, c’est un Don Quichotte au pays des Indiens des Tarahumaros, un slameur bégayant lors de sa conférence au Vieux Colombier, un poète qui inspire un beau duo de musiciens au saxo, à la guimbarde et le créateur d’une curieuse machine cinétique en forme d’hélice. Toute l’équipe s’est donné le mot pour faire piaffer l’imagination sensitive, affective, explosive d’Artaud.
Agnès BOURGEOIS illumine cette Florence amoureuse qui a certainement séduit le « sauvage » Artaud qui « délicatement me fait part de ses problèmes ». Quant à Jean-Luc DEBATTICE, il fait rayonner avec émotion toute l’ardeur des propos d’Artaud.
Un très beau spectacle qui offre aux spectateurs une vision d’Artaud, tout à fait palpitante. A ne pas manquer !
Paris, le 23 Juillet 2016
Mis à jour le 24 Novembre 2017
Évelyne Trân