L’Art de Suzanne Brut de Michael STAMPE – Mise en scène et scénographie de Christophe LIDON avec Marie-Christine DANEDE au THEATRE DES DECHARGEURS – 3, rue des Déchargeurs 75001 PARIS – du 31 oct 2017 au 23 déc 2017 – Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19 H 30 –

 

Il y a l’œuvre qui existe pour elle-même, l’œuvre, seulement l’œuvre. Et puis il y aussi l’intention de l’auteur, comment se fait-il que cette intention puisse prendre forme, toucher le spectateur « brutalement » sans qu’il ait besoin de se référer à sa culture, à son savoir, à ses notions d’ordre, de beauté, de connu ou d’inconnu. Il y a cette phrase inculte au bout des lèvres « Je n’ai jamais vu ça ! ».

Nous avons tellement soif d’émotions, il n’y a qu’à voir le nombre de gens qui se pressent pour visiter une exposition  de Gauguin au Grand Palais, quitte à faire deux heures de queue. Il y a de l’art brut chez Gauguin, soutenu certes par une grande expérience, du génie, mais devant un tableau qui nous fascine, nous pouvons oublier l’auteur, c’est comme une image qui fait écran à nos désirs, qui zigouille notre tranquillité, notre assurance, notre indifférence, qui brutalise nos certitudes « Ah, j’ai déjà vu ça ! ».

Certains artistes parce qu’ils sont submergés par leurs émotions vont nous offrir des visions déconnectées de notre routine. Nous ne pouvons pas les analyser suivant nos critères objectifs. Mais leurs créations s’imposent comme jaillies de nulle part, elles répondent parait-il à des pulsions. Pulsions d’êtres sacrifiés à la norme. Eh oui, il y a des larmes, des cris, de souffrances, des sensations, des visions si intenses qu’elles peuvent trouver leur chemin d’expression, hors les normes de l’homme normal.

Nous sommes bien contents de prendre des trains qui ne déraillent pas mais nous sommes également heureux de pouvoir accéder à des visions qui s’écarquillent bien au-delà des soucis matériels, qui répondent à nos seules sensations, et que nous importe qu’elles soient vérifiées, homologuées, validées, elles nous appartiennent en propre comme le jour naissant, et si elles peuvent être partagées c’est parce qu’elles sont nées pour cela, mais demanderez-vous à une fleur si elle demande à être regardée !

Suzanne BRUT joue le rôle de fleur dans notre jardin imaginaire. Fleur en pot, muette, elle résiste à l’indifférence des religieuses qui l’ont recueillie. A travers un filet d’ombre, Michael STAMPE, est entré dans l’œil ouvert de la peintre, dans le compost de ses rêves étourdis où tout s’entremêle. Oui, dans la terre de Suzanne BRUT, il y a des signaux de souffrance dont elle ne peut se prémunir qu’en peignant, en parlant à Sainte Jeanne ou à la Sainte Vierge. C’est cruel, comment croirez-vous à ce qu’elle peint ? Il n’y a pas de plantes qui ne recherchent la lumière ou le regard de l’autre et Sainte-Jeanne pour Suzanne représente ce jour qui lui permet, quoiqu’il arrive, de peindre par bonheur.

 Stupéfiant tableau que ce spectacle mis en scène par Christophe LIDON, rarissime vision d’une fleur femme peintre sous le flux de l’ombre. La présence de Marie-Christine DANEDE appelle le regard et l’ouïe d’une façon quasi fantastique !

Paris, le 1er Novembre 2017              Evelyne Trân

 

 

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