La Révolte de Villiers de l’Isle-Adam avec une mise en scène de Salomé BROUSSKY – Au THEATRE DES DECHARGEURS – 3 Rue des Déchargeurs 75001 PARIS – du 31 oct 2017 au 9 déc 2017 – du Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 21 H 30 –

Texte Villiers de l’Isle-Adam

Mise en scène :

Comédien(s) :

Lumières :

Dominique Borrini

 

Elle donne l’impression de vomir sa vie sous les yeux ahuris de son mari. Oui, sa vie lui fait horreur, une vie étriquée, faite de petits calculs, qui pendant quatre ans et demi a projeté l’image d’une épouse parfaite, excellente comptable qui a permis la fortune de son mari banquier peu soupçonneux de la colère intérieure, du volcan qui fulmine derrière la façade de l’idéale épouse.

La révolte est une pièce écrite par Villiers de l’Isle-Adam, en 1870, représentée seulement cinq fois à sa sortie, qui donne la parole à une femme culminant toutes les raisons de se révolter contre ses conditions de vie, programmées par une étiquette bourgeoise, sans fantaisie, rigide.

 Intelligente, la femme en question a su se glisser dans le moule pour satisfaire la galerie et notamment son mari. Elle s’est résignée, a dompté ses éclairs de révolte, utilisant son énergie au travail pour s’occuper, pour oublier ses accès de rêves, ses accès de fièvre.

Avez-vous déjà vu une huitre sortir de sa coquille ? Elisabeth est une perle, une perle idéaliste. Après avoir décidé de tout quitter, son mari, son travail, sa fille, quatre heures plus tard, elle revient au bercail où elle découvre Félix, le fringant banquier, gisant à terre. Ce dernier semble-t-il n’a rien compris à l’échauffourée d’Elisabeth, comment d’ailleurs la comprendrait il, son mode de perception est différent, tellement plus terre à terre. Seulement il est attaché à cette femme, par autre chose, peut-être l’habitude, peut-être l’amour.

Au fond qu’importe qu’Elisabeth soit revenue. Le combat est d’ordre existentiel, Elisabeth n’obéit qu’à elle seule, à son corps défendant qui la ramène au bercail parce qu’il s’est trouvé démuni à l’idée sans doute d’affronter le vide, la solitude.

Du coup, le manège du banquier et de sa parfaite épouse apparait comme un moyen de s’occuper quand les autres voies, celles du rêve, de l’imagination, de la poésie ont été bouchées.

Le corps réclame du concret pas seulement des rêves, allez savoir !

Curieux rapports de force entre Félix et Elisabeth qui se supportent mutuellement, l’une ayant l’apanage de l’âme.

Elisabeth n’a rien d’une diablesse féministe, elle est une victime de la misogynie ambiante que reproduit comme un perroquet son mari, peu perspicace. Quand il parle de sa femme, Félix c’est comme s ‘il faisait le tour de sa propriété, ses compliments sont déjà révoltants. Ce qui transparait dans le monologue d’Elisabeth, c’est une souffrance exacerbée par un trop long silence. Félix qui au fond n’est qu’un pauvre bougre, souffre aussi.

 Une personne parle, incarnée par une femme qui appelle à la liberté de vivre suivant son cœur, qui s’oppose au carcan patriarcal, voire à une civilisation et rejoint le camp des poètes, des visionnaires tels que Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, Mallarmé ou Flaubert ses contemporains.

 Avec beaucoup de sensibilité, Maud WYLER interprète cette femme exsangue, exténuée, tandis que Dimitri STOROGE, laisse percer derrière l’enflure, l’inconsistance de l’homme social face à l’homme tout court.

La mise en scène de Salomé BROUSSKY privilégie l’intériorité des personnages, elle est réaliste, sans excès superfétatoires, la limpidité des propos de Villiers de L’Isle-Adam serre la gorge d’autant plus.

 

Paris, le 1er Novembre 2017            Evelyne Trân

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