Un texte d’Antonis Tsipianitis
Adaptation: Haris Kanatsoulis et Chantal Stigliani
Mise en scène de Christophe Bourseiller
Avec Emilie Chevrillon
Il n’est pas si évident de faire sauter le cadenas sur la réalité de la condition féminine, tout simplement parce qu’il pèse très lourd.
La femme que met en scène Antonis TSIPIANITIS, un dramaturge grec contemporain, fait penser à une chienne tenue en laisse dans une cave pendant des années qui s’étourdit du bonheur d’être enfin libre à la mort de son maître.
Nous pourrions nous croire dans une fable de LA FONTAINE. Une femme pour échapper à l’autorité paternelle, épouse un beau policier qui se révèle être un odieux personnage. Trop tard, elle est attachée à cet homme par les liens du mariage et n’a pas d’autre issue que de se ronger les sangs.
Cette femme ne connaît rien de la vie, elle n’a pas vu le jour. Tout ce qui se passe autour d’elle lui échappe complètement. Quand elle ouvre la fenêtre et écoute les vrombissements d’une manifestation, elle ne comprend pas. De même, elle n’entend rien au manège de ceux qui s’installent au-dessus de son appartement, une vingtaine de migrants dans un deux pièces. Que peut-elle opposer aux actions de son mari un vilain ripou qui exploite la misère de migrants pour finir par louer le même logement à une putain, sinon sa naïveté, son étonnement. Comme elle rêve de bonheur, elle confectionne des plats pour les migrants qu’elle dépose à leur porte. De même parce qu’elle y croit au bonheur, elle admire les performances de la putain qui sait si bien simuler la jouissance.
Comment rêve-t-on d’un monde meilleur à travers des barreaux ? A travers la figure d’Erato, l’auteur dresse le portrait vivant et poignant d’un être qui ne dispose que son bon sens fragile pour palper la lumière, se palper lui-même, et éprouver sa capacité de résistance, son instinct de vie face à l’oppression, à la dictature.
A l’égal de Dario FO, l’auteur manifeste son empathie vis à vis de la femme dont la condition d’opprimée pendant des siècles et toujours encore dans ce monde, fait partie des combats pour la vie.
Mise en scène avec une sobriété pleine de délicatesse par Christophe BOURSEILLER, Emilie CHEVRILLON, bouleversante de fraicheur et de vitalité, est magnifique.
Paris, le 28 Octobre 2017 Evelyne Trân