OPERATION ROMEO – TCHECOSLOVAQUIE 1984 – TEXTE DE VILIAM KLIMACEK – MISE EN SCENE ERIC CENAT – AU THEATRE 13/SEINE – 13 RUE DU CHEVALERET 75013 PARIS – DU 21 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2017 DU MARDI AU SAMEDI A 20 HEURES – DIMANCHE A 16 HEURES –

Avec Jacques Bondoux, Jaromír Janeček, Thomas Silberstein, Claire Vidoni et Marc Wyseur.

Présenté sous le Haut Patronage des Ambassades slovaque et tchèque

D’après Komunizmus, une comédie de Normalisation de Viliam Klimáček, traduit du slovaque par Jaromir Janeček et Claire Vidoni, édité en français aux Éditions Infimes (2014). Scénographie et costumes Kristina Novotná, Création lumière Vincent Mongourdin, Création son Christophe Sechet, Régie général & Photographies Jean-Pierre Legrand, Assistantes  Katerina Chybova & Jitka Berunka, avec la participation amicale pour le photo reportage Stéphane Godefroy

Production : Le Théâtre de l’Imprévu, Orléans – Compagnie portée par la Région Centre-Val de Loire, conventionnée par la Ville d’Orléans, et subventionnée par le Département du Loiret.
Partenaires financiers : La DRAC Centre-Val de Loire, la Région Centre-Val de Loire, l’Institut Français, l’Adami et la Spédidam.
Résidences de création : Le Théâtre de Pardubice (République-Tchèque), le Studio Théâtre de Charenton-le-Pont, la maison d’Europe et d’orient à Paris et la MJC Village de Créteil.
Avec le soutien de : L’Institut Slovaque, le Centre Tchèque de Paris, le Théâtre et la région de Pardubice, l’Alliance Française de Pardubice, le Printemps de l’Europe et les Éditions Infimes.

21 Août 1968. Je me souviens encore de l’émotion de mes parents en apprenant par les journaux alors que nous étions en vacances, l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques. La pièce de Viliam KLIMACEK qui se situe dans la journée du 14 Février 1984, ravive d’autant plus ce souvenir qu’elle a pour personnages, les membres d’une famille apparemment unie qui vont assister à l’effondrement de leur noyau, en conséquence de la trahison du père chargé par le régime totalitaire d’espionner son beau-père un écrivain dissident.

 A l’occasion de l’anniversaire de la mère, nous faisons connaissance avec une famille aimante. La seule ombre au tableau est le comportement du père certainement dépressif qui s’isole sur le toit avant de se résoudre à rejoindre son épouse et son fils pour faire la fête. Il vient d’être rétrogradé de sa fonction de directeur à un poste subalterne. Le fils est un étudiant en médecine qui affiche une attitude désinvolte alors que sa mère se soucie de son avenir. En arrière-plan, il y a la figure du grand-père dont on apprend qu’il est dissident et donc surveillé. Mais cette circonstance ne devrait pas être pas de nature à les empêcher de vivre.

Viliam KLIMACEK n’a pas la main lourde, il ne porte pas de jugements sur les personnages et ce qui est passionnant dans la représentation de cette famille, c’est sa vision réaliste qui découle d’expériences vécues, ressenties, faisant ressortir tous ces blancs, ces non-dits au sein d’une famille qui lorsqu’ils éclatent en plein jour l’atteignent en plein cœur.

 Le régime totalitaire a instauré un climat de suspicion susceptible d’empoisonner les relations affectives du corpus familial. Sous un régime démocratique, il va de soi que les opinions politiques des uns et des autres aussi diversifiées soient-elles, n’engagent pas les rapports affectifs. Sous le régime totalitaire qu’ont connu les pays de l’ancien bloc communiste et notamment la Tchécoslovaquie, des individus sont devenus des otages de l’ordre établi, contraints de garder le silence pour la sécurité de leur propre famille.

Ce chantage odieux sera à l’origine du drame qui fera exploser ce petit noyau familial d’apparence banale.

L’analyse de l’auteur ne se veut pas didactique, elle questionne le ressenti à une échelle humaine, celle de la petite histoire souvent bafouée. La grande histoire ne tient compte que de l’évènementiel, des grandes figures héroïques ou pas. Or les individus qui constituent une société ne sont pas des héros, leurs blessures sont intimes.

 Dans l’Opération ROMEO, l’amour que se portent les deux époux ne suffit pas à les sauver du naufrage. Il faut du temps pour digérer les mensonges, les trahisons, une force morale à toute épreuve.

Il importe donc de dérouler la grande histoire sous la perspective individuelle, il s’agit d’une mémoire nécessaire. Comprendre comment un individu peut se trouver démuni face à un pouvoir totalitaire, face aux règles d’une société qui le dépassent et le dépasseront toujours, quitte à l’engloutir.

La pièce de Viliam KLIMACEK est démonstrative du fait que la politique ce n’est pas seulement des dogmes, des grandes idées, des idéaux, c’est une histoire de vie et de mort dans laquelle se trouvent embarqués bon gré mal gré, des êtres avec pour seule béquille, leur conscience personnelle, vulnérable et complexe.

La part de l’affectif dans le politique, c’est la grande question, parce que nous ne pouvons imaginer l’homme dominé par des monstres insensibles, l’insensibilité hélas ça existe, ni non plus par des émotions qui se transforment en haine.

Sur scène, c’est un cube quasi surréaliste, avec son antenne lumineuse sur le toit qui figure l’isolement de la famille, son enfermement, sans horizon dans l’espace-temps du régime totalitaire, un pauvre engin spatial destiné à exploser en plein vol.

L’imaginaire a sa place malgré tout dans la vision de cette scénographe talentueuse Kristina NOVOTNA. Les interprètes sont très justes notamment Jacques BONDOUX, l’officier.

La mise en scène et le jeu des comédiens épousent le tracé intérieur des protagonistes qui dévoile lentement mais inexorablement, les étincelles qui mettront le feu au foyer.

Il n’est pas évident d’exprimer à travers des scènes du quotidien banales, ce qui consume chacun des personnages, leurs non-dits, leurs inquiétudes. L’auteur scrute finement ce que recouvre très souvent la banalité des conversations. La réception se joue au niveau des intonations, à ces fils invisibles du vivre ensemble.

 Voilà une pièce d’une grande sensibilité, saisie avec doigté par le metteur en scène et les comédiens, sans ostentation, avec simplicité, aux pieds de notre petite échelle humaine, la seule qui à notre sens fera basculer la tour de Babel.

Paris, le 30 Septembre 2017           Evelyne Trân

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