A la dixième année du Festival Teatro a Corte étaient au rendez vous et à pied d’œuvre les divinités de la danse, du chant, de la comédie, du cirque et des spectacles de rue, accueillies par le public au Théâtre Astra et dans les superbes châteaux Venaria Reale, Aglie et Stupinigi.
Guidé par Terpsichore, la muse de la danse, Beppe NAVELLO, a offert au public, la nouvelle création d’Ambra Senatore, « scena madre » qui s’amuse à brouiller les pistes de notre quotidien à travers des scènes de vies qui crèvent l’espace du déjà vu pour en révéler la saveur insolite, et nous permettre d’imaginer qu’à toute occasion et même surtout dans nos gestes les plus banaux, nous pouvons nous croire poussés par le rêve et danser !
Puis dans le parc de Venaria, le public a découvert « Hêtre » une création de Fanny SORIANO de la Compagnie LIBERTIVORE, pour un moment de grâce merveilleux, la rencontre d’un sarment de hêtre et d’une danseuse aérienne, Kamma ROSENBECK qui offre son corps tel un poème à l’esprit d’une branche.
Du merveilleux et du contemplatif, nous sommes passés à la rudesse d’une réalité si oppressante qu’elle suscite la révolte et la lutte. Cette réalité c’est celle des murs, des frontières, grilles et barbelés censés séparer, isoler les uns des autres, leur faire croire qu’ils sont ennemis alors même qu’à travers les barreaux, c’est toujours l’autre en face qui fait signe, cet autre que chacun de nous est pour l’autre. La compagnie de danse Hip-Hop, Diptik met en scène la libération des corps pour exprimer que l’idéal de liberté est une nécessité vitale. Elle fait participer le public dans un élan fraternel, émouvant et très impressionnant.
Terpsichore dit-on était très sensible aux charmes d’Apollon, le dieu grec des arts, Jérôme THOMAS qui a beaucoup d’humour, ne se prend pas pour Apollon, mais il possède un don extraordinaire, celui du jonglage. Il n’y a pas de meilleur guide pour arpenter les somptueuses salles du château de Variance Reale et lever les yeux au plafond pour suivre à la fois la trajectoire des balles, plumes et cannes et jouir de la beauté du décor.
Jérôme n’est pas seulement un jongleur, c’est aussi un danseur courant d’air qui amuse le public avec ses apparitions et disparitions, assisté dans ce parcours jonglé par une talentueuse jongleuse Nicoletta BATTAGLIA.
Mariant à la fois l’art du mime et du jonglage, joyeux manipulateur d’objets, Jérôme THOMAS est un personnage bon vivant, un véritable Arlequin. Comment s’étonner qu’il puisse évoquer avec tant de tendresse, l’un de ses maîtres, Pierre ETAIX !
La commedia dell’arte était aussi présente au festival Teatro a Corte avec La compagnie La Paranza del Geco. Dans la pure tradition, ses parades en fanfare ont ensoleillé les déambulations du public dans les jardins du château d’Aglie.
C’est dans l’une des lisières de ce parc que sont apparus les joyeux drilles du Cabaret DUAL BAND MUSIC CIRCUS .D’une imagination débordante, ils savent jouer d’instruments fantômes, circulent avec aisance d’une langue à l’autre – ils sont polyglottes – pour faire exulter les fleurons de notre patrimoine musical européen, classique et moderne en passant notamment par Shakespeare, Prévert, un bouquet de sketches dont l’un très sulfureux d’éducation sexuelle « Let’s talk about sexe », le tout ayant pour destination :
« l’Histoire raisonnée de l’amour, des organismes unicellulaires à nos jours. Rigoureusement chronologique. Scandaleusement délicate. Plaisamment profonde »
Ce cabaret, drolatique, joyeux et original plantera ses tréteaux en France prochainement le 2 août au festival d’Estagel et le 6 août Montner.
Pour couronner ce festival d’un chapeau de poésie et de féerie, Beppe NAVELLO a invité des compagnies de spectacles de rue qui ont rivalisé d’inventions pour faire tressaillir le cœur du public :
la Compagnie Française TRANSE EXPRESS au château de Venaria Reale avec une parade fabuleuse entre ciel et terre d’astronautes dont les prouesses éclairent la poésie immanente à la technique et à la matière et même à l’artifice .
La compagnie des Quidams, également française, installée à Etrez village du Nord de l’Ain, rend hommage au cheval, à son élégance, sa beauté, à travers des structures gonflables, sculptées juste par l’air qui les soutient, étonnants chevaux ailés géants qui traversent le ciel au-dessus du château de STUPINIGI. Et c’est magnifique !
Pour cette première manifestation (deux autres rendez vous sont programmés en Octobre et en Décembre) une fois de plus le Festival Teatro a Corte 2017, conduit par Beppe NAVELLO a su faire briller ensemble les muses d’Apollon que sont la musique, la danse, le cirque, le cabaret, avec simplicité et bonheur et sa signature idéale, celle de la poésie spectaculaire !
Paris, le 7 Juillet 2017 Évelyne Trân