Peut-être, n’avez vous pas encore entendu parler de BRIOUX SUR BOUTONNE, un village situé dans le DEUX-SEVRES, à quelques kilomètres de Niort. Eh bien figurez-vous que ce village qui a créé, son festival il y a 29 ans, dirigé avec passion par son fondateur Christophe FREREBEAU, est courtisé par de grands artistes connus ou moins connus, et par des figures politiques qui ont choisi de défendre la culture dans la ruralité, bec et ongles.
Le Festival au Village fait partie de ces temps forts qui monopolisent l’énergie de 150 bénévoles de 15 à 87 ans (alors que le village ne compte que 1500 habitants environ), toutes classes sociales confondues, durant toute l’année et cela pour être prêt à accueillir 15000 festivaliers qui font confiance à la programmation de premier plan préparée par Jean-Pierre BODIN, le directeur artistique depuis 2003.
Jeanne MORDOJ, acrobate danseuse contorsionniste qui a travaillé notamment avec la compagnie Jérôme THOMAS, est une artiste d’une originalité époustouflante. Plutôt que de s’embarquer dans la grande messe du festival d’Avignon, elle a choisi de répondre à l’invitation de Jean-Pierre BODIN pour aller à la rencontre d’un public rural, très motivé.
C’est dans la cour Castor, une salle de spectacle en plein air à proximité d’un potager, que le public a assisté à deux spectacles , La Fresque et La poème .
Il paraîtrait que le violoniste écoute les yeux ouverts le corps de Jeanne MORDOJ dont les frottements sur le mur produisent d’étranges dessins évoquant des formes de femmes, dilatées, entrelacées, monstrueuses ou tout simplement inspirées par les vibrations très sensuelles du violon qui gémit, gronde, comme un animal sauvage et familier. L’on raconte qu’une fois un artiste iconoclaste s’était amusé à suspendre un pinceau à la queue d’un âne qui exécuta sans le savoir une peinture abstraite prodigieuse. Comment ne pas y songer à cette source animale qui tire de l’invisible des fractions visibles brutes mais puissamment expressives. C’est l’étendue sonore qui semble attiser cette extraction de l’invisible, ténébreuse éloquente, manifestement primitive.
Il y a toujours ce corps à corps avec l’invisible dans La poème, un spectacle quasiment indescriptible. On ne saurait dire si c’est Jeanne MORDOJ qui s’est transformée en femme-poule ou une poule qui par un curieux coup du sort se retrouve dans la peau d’une humaine. Nous opterons pour la 2ème solution car c’est l’inconnu de la poule qui excite la curiosité. Quelle femme n’ a pas eu le fantasme de pondre des œufs en vrai ?
Nous assistons à une élucubration poétique inimaginable. Pensez une poule qui se rêverait humaine et qui pour s’exprimer laisserait jaillir de son corps étonné les œufs et leurs coquilles, de façon exutoire, de la bouche qui gobe au ventre qui accouche.
Nous y croyons à cette créature fabuleuse à mi chemin entre l’animal et l’humain en pleine transmutation.
Compagnie BAL – Jeanne Mordoj | « La Fresque & La Poème » |
Photo E.Trân
Avec le spectacle « Bivouac » c’est l’épure de la chorégraphie qui a frappé le public. Accompagnés d’ une orchestration musicale très soutenue, à la fois vive et intense, les danseurs acrobates nous ont rappelé ces oiseaux opprimés par la civilisation, qui créent leurs propres gîtes, leurs territoires, sous les ponts, se balancent parfois au-dessus des mâts de bateaux, grimpent aux plafonds des églises, s’infiltrent dans les gares, les hangars, ou des lieux inconnus qu’apprivoisent les danseurs faisant de simples mâts ou d’un trampoline, trottinettes à trépied, des instruments de découverte, de vertiges.
Bivouac Compagnie | « A corps perdus » |
Beaucoup d’autres spectacles attendent les festivaliers, gratuits et payants (très abordables). Les Briouxais ont de la chance mais il ne s’agit pas d’un miracle comme l’ont souligné les organisateurs lors de l’inauguration, c’est le fruit du travail de toute une population qui se serre les coudes chaque année pour faire de ce festival un rendez vous magique, un moment de grâce. Citons le conte relaté par Jean-Pierre BODIN. C’est l’histoire d’un homme debout sur une caisse qui voulait raconter des histoires pour changer le monde. A la fin plus personne ne veut l’écouter. Mais le personnage tenace continue à palabrer seul. Un jour un enfant lui demande ce qu’il fait et il répond : « Avant je racontais pour que le monde change. Aujourd’hui, je parle pour que le monde ne me change pas ».
De simple arbuste, le festival est devenu un arbre imposant à paroles vives ! Pas de miracle, c’est juste la sève que lui apportent le public, les bénévoles et les artistes qui veillent à son grain, juste un grain de sel étincelant !
Le festival 2017 c’est 37 compagnies ou groupes, 39 spectacles et 56 représentations.
VOIR LA PROGRAMMATION 2017
Paris, le 10 Juillet 2017 Evelyne Trân