ICI, IL N’Y A PAS DE POURQUOI ! / 21H DU 15/03/17 au 13/05/17 d’après l’adaptation théâtrale de Si c’est un homme de Primo LEVI et PIERALBERTO MARCHE – Adaptation de Tony Harrisson, Cécilia Mazur – AU THEATRE DU LUCERNAIRE

Avec : Tony Harrisson

Imaginez un homme en captivité que la souffrance a envahi au point qu’il se sait coupé du monde, des autres vivants, un homme exténué qu’un autre viendrait interroger pour recueillir ses impressions. Il est vraisemblable que l’homme exténué lui répondrait « Je crains de ne pouvoir vous répondre, je vais mourir sur place »

N’être plus qu’un numéro, se retrouver dans la situation d’un animal mené à abattoir, ou celle d’un esclave considéré uniquement comme un outil, une main d’œuvre, quel homme, quelle femme peuvent survivre à cette épreuve de déshumanisation? Même le sort du bétail mené à abattoir paraît plus enviable parce qu’il ne s’agit pas de le faire souffrir inutilement.

Primo LEVI, juif italien, était jeune lorsqu’il entra dans le camp de concentration d’Auschwitz . Il raconte « En même temps que la peur , la faim et l’épuisement, je ressentais un besoin extrêmement puissant de comprendre le monde qui m’entourait »

Il déclare aussi qu’Auschwitz était l’œuvre des hommes, et « que nous sommes des hommes; il est le fruit d’une philosophie de l’occident à laquelle nous avons tous apporté notre contribution, à laquelle nous avons collaboré d’une manière ou d’une autre »

Il s’agit bien évidemment de considérations postérieures à son expérience du camp . « Si c’est un homme » dont le titre est tiré d’un poème, aurait été écrit à la hâte sur des bouts de papiers, en urgence, à son retour de captivité. Primo LEVI devenu en quelque sorte une référence comme témoin, grâce à l’audience de son livre, revînt sur cette version, des décennies plus tard, pour exprimer que l’écriture fut certainement moins spontanée.

A une journaliste qui lui demande comment il a pu psychologiquement revivre et exprimer par des mots une expérience « qui va si loin au delà des limites de l’humain et de l’imaginable », il répond qu’il a la sensation de « s’être lancé dans une entreprise à peu près impossible ».

Se considérant comme un témoin privilégié parce qu’il était chimiste, il rappelle que le destin du prisonnier moyen, « personne ne l’a raconté parce que pour lui, il n’était matériellement pas possible de survivre ».

« Ici, il n’y a pas de pourquoi » est inspiré de l’adaptation théâtrale de « Si c’est un homme » par Primo LEVI lui même et Pieralberto MARCHE.

Tony HARRISON co-adaptateur avec Cécilia MAZUR, comédien et metteur en scène s’est attaché a une version moins dialoguée et plus musicale avec le musicien GUITOTI dont l’instrument, le hang ponctuent les paroles de sonorités variées, fraîches et suggestives.

Tony HARRISON comprend que ce que le mots ne peuvent pas exprimer, le corps peut le suggérer. Nous assistons donc à une véritable chorégraphie qui n’entend pas seulement coller à la réalité sordide du prisonnier mais qui s’étend à la conscience du narrateur de « Si c’est un homme » ouvrant son espace de liberté et d’humanité au delà des barreaux extérieurs.

Dans la situation de l’enfermement, le prisonnier n’a d’autres repères que son propre corps, c’est lui qui parle de douleur parce que c’est elle qui l’envahit. Cette confrontation à la souffrance, la conscience du prisonnier ne l’épuise pas, elle paraît interminable elle la remplit de stupeur pendant les répits, l’interpelle sur ses facultés de bonheur pour un bout de pain, pour un sourire.

Le filet d’espoir c’est le dialogue entretenu entre le corps et l’esprit, ce même pont que veulent abattre les bourreaux, les tortionnaires, c’est aussi le regard porté de soi à l’autre. La réalité criminelle des nazis, c’était de n’avoir plus d’yeux ni d’oreilles pour voir et entendre un être humain parce qu’il était juif, tzigane, handicapé, homosexuel, dissident, marginal.

Grâce soit donc rendue à ce spectacle dont la beauté n’est pas gratuite, elle émane certainement du message même de Primo LEVI, humain, viscéralement humain, ouvert à tous.

Paris, le 15 Avril 2017                                 Evelyne Trân

 

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