Une pièce de Jean-Benoît PATRICOT
Mise en scène Anne BOUVIER
Avec : CLÉMENTINE CELARIÉ – PIERRE CASSIGNARD
Scénographe-plasticienne Emmanuelle ROY
Musique Raphaël SANCHEZ Lumières Denis KORANSKY
Une pièce de théâtre axée sur l’invisible, tel est le joli défi de Jean-Benoît PATRICOT, l’auteur de la pièce DARIUS.
Les protagonistes, Claire, une chercheuse au CNRS, et Paul un célèbre créateur de parfums ne se voient pas, ils n’échangent que par lettres et le personnage principal, Darius, qui est le sujet de leurs correspondances, est invisible sur le plateau.
Est-il possible de voyager au cœur de l’invisible, de s’émouvoir, de se surprendre, y a t-il du tangible dans l’invisible ? Ce qu’il y a de formidable dans les échanges épistolaires, c’est qu’ils font toujours appel à la divination et les mots, les phrases peuvent rester suspendus en l’air, peuvent être soulevés du regard, ils vous poursuivent tandis que le destinataire essaie de deviner l’expression de son correspondancier et inversement.
Le tour de force des interprètes est justement de laisser toute sa place à cet invisible représenté par Darius le fils de Claire, immobilisé et aveugle suite une maladie dégénérative. Claire propose à Paul de créer des parfums qui permettront à son fils de voyager par l’odorat, dans sa mémoire et aussi dans l’inconnu. Avec humour, elle décrit son fils comme un pluri-handicapé très proustien.
Le résultat sur scène est à la fois très subtil et très concret comme un parfum. Et somme toute, c’est l’odeur de Darius, sa présence invisible qui donne le tournis à Claire et Paul qui voyagent, évoluent également grâce à leur projet fabuleux, donner du rêve à Darius.
Providence d’un parfum, d’une émotion, d’une trace, la mémoire sensorielle est inépuisable, elle est la vie qui ne peut faire mourir les êtres aimés, éteindre ce que l’on croit passé ou enfui à jamais. Il suffit d’ouvrir les portes de sa perception.
Claire donne l’impression d’être une femme autoritaire qui a toujours su donner corps à ses désirs, mais qui sous sa façade de gagnante est au fond très vulnérable. Paul est un artiste qui doute de lui même, a besoin d’être poussé, valorisé pour réaliser des miracles.
Clémentine CELARIE a tout à fait l’étoffe du personnage, elle a un parfum reconnaissable entre tous, une sensualité enjouée où la mélancolie ne se sépare jamais de la gourmandise, du bonheur sensoriel.
Pierre CASSIGNARD, dans le rôle du créateur, joue le rôle du baroudeur de parfums de façon nerveuse et récréative.
La présence de ce beau duo de comédiens donne corps à cet inimaginable idée de l’auteur, celle de représenter un être par son seul parfum. Le flacon de l’imaginaire se déverse sur les âmes sensibles, serti d’une musique douce et bienveillante, dans un décor élégant et raffiné. Mais ce qui touche le plus, c’est le grain de voix des artistes qui s’échappe dudit flacon qui a des accents Baudelairiens, c’est magnifique !
Paris, le 12 Février 2017 Evelyne Trân