Mise en scène :Robert Bouvier
Comédien(s) :Roger Jendly Adrien Gygax
Le théâtre, lieu de naissance du comédien ! « Je suis né au théâtre ! » C’est cette exclamation qui porte ce chant du cygne, une pièce en un acte écrite en une heure par Anton Tchekhov à vingt six ans. Elle met en scène un vieil artiste, Svelovidov, un peu ivre qui se réveille la nuit, seul dans sa loge et se souvient de ses meilleurs rôles.
Bras de fer entre la solitude et la vie. L’artiste est seul lors de son travail pour apprivoiser ses personnages, seul face à des fantômes de personnages qu’il entend incarner sur scène. Quel défi, quel toupet !
Le chant du cygne sert de prélude et de refrain à une belle mise en perspective de la vie d’un artiste. Comme s’il peignait sous nos yeux le portrait d’un comédien, celui-là même de Roger JENDLY qui a l’âge du rôle de Svetlovidov, par jolies envolées de pinceau, le metteur en scène Robert BOUVIER dévoile les traits du comédien qui en sortant de l’ombre de la nuit noire, finit par se confondre aves ses personnages. Mais il est sur scène, c’est son lieu de vie.
Il n’y a pas d’autre artifice que celle de la récréation telle que la connaissent si bien les enfants. Sauf qu’un comédien a vocation de jouer devant un public . Alors toutes ces questions qui turlupinent un artiste : comment venir à bout d’un texte, comment entrer dans la peau d’un personnage, comment faire face à un trou de mémoire, au trac, il est effarant de les entendre de la bouche d’un grand comédien face au public.
Car le public aussi est un personnage. Il fait partie du tableau.C’est ce que nous pouvons ressentir dans cette mise en scène qui se plait à brouiller les pistes. Qui voyons nous le comédien Roger JENDLY, Svetlovidov, ou encore d’autres personnages qu’il a interprétés ? Nous découvrons que l’artiste en réalité a un nombre considérable d’interlocuteurs, le souffleur, ses partenaires, ses personnages, le public qui représente la vie, et la fosse noire qui lui parle de la mort.
Curieux méli-mélo comme si le comédien avait à cœur d’exprimer toute sa vie un soir au théâtre en étant ivre ou en jouant de sa propre ivresse. Des artistes dramatiques l’ont raconté, il leur arrive en pleurant pour de bon de continuer à s’observer pour se servir de leurs larmes sur scène.
Plus que la scénographie vive, chatoyante et les vidéos souvenirs, c’est le corps à corps avec le texte qui suscite l’émotion, qui suffit à lui seul à faire de ce spectacle, un magnifique témoignage d’artistes en pleine création. Nous garderons en mémoire cette déclaration de Svetlovidov « Je suis un homme, je suis vivant, j’ai du sang, pas de l’eau dans les veines » exprimée par Roger JENDLY désarmant de naturel, bouleversant. Quand à son partenaire, Adrien GYGAX, il dispose d’un belle fougue, d’un fort tempérament de comédien !
Paris, le 11 Novembre 2016 Evelyne Trân