Auteur Istvan Örkény
Mise en scène Fabienne Gozlan
Avec Jeanne-Marie Garcia
Sophie Pincemaille
Fabienne Gozlan
Paruyr Shahazizian (violoncelle et jeu)
Musique Antonin Rey
Lumières Simon Desplébin
Chorégraphie Sophie Mayer
Vidéo Valentin Lagard
Décor Aurélie Breteaux
Une véritable découverte que cette pièce Le jeu du chat et la souris de l’auteur hongrois,Istvan ORKENY dont le regard oblique, rutilant de tendresse suit le fil qui relie deux sœurs septuagénaires, pleines de vitalité, de désir, de passion alors même que leur âge, suivant le cliché convenu, décline la vieillesse sous le signe de la résignation ou de la dépression.
Istvan ORKENY a t-il vraiment voulu faire une pièce sur la vieillesse ? Il brouille volontiers la perspective pour raconter que la vie nous joue des farces. Ainsi nous découvrons que Giza n’en a pas fini avec ses mouvements de cœur, elle réagit comme une jeune fille déchirée lorsqu’elle apprend que sa meilleure amie lui a volé son prétendant. Sa sœur clouée sur un fauteuil roulant dans un château en Allemagne à des centaines de kilométrés de Budapest reçoit ses confidences par lettres et au téléphone et ne cesse de lui demander de la rejoindre.
Giza vit réellement une passion peu ordinaire et craint les retrouvailles avec sa sœur Erzsi qui bien que pétillante d’esprit lui renvoie l’image d’une personne, sans avenir.
L’aiguillon de la vie est toujours là, il peut paraître frivole, hors champ il se révèle être le même que celui qui réunissait les deux sœurs dans l’enfance. Il y a comme un refrain qui court âpre et gourmand qui délivre l’âme des deux sœurs, les font chanter, s’exalter, rêver en dépit de leur âge.
Dans le fond Giza est une artiste, elle ne peut pas imaginer la vie sans passion et c’est en vain que le miroir lui envoie l’image d’une vieille femme fanée.
La vieillesse c’est une étape de plus dans la vie. Au jour, le jour, les deux sœurs, chacune de leur côté, doivent lutter pour ne pas céder aux préjugés attachés aux signes de l’âge, rides et cheveux blancs, maladies etc. Les forces physiques déclinent, on est moins beau, moins frais, cela signifie t-il qu’on ait moins de chair, moins de cœur, moins d’esprit ?
Rembrandt a su frôler le mystère qui se dégage des visages des personnes âgées. Istvan ORKENY, à sa façon avec humour et délicatesse dessille notre regard sur l’âge mûr, en sifflotant, mine de rien.
Ceci dit, nous n’avons pas l’impression d’avoir affaire à de vieilles femmes en écoutant parler Giza et Erzsi qui appréhendent le temps qui passe comme le chaud et le froid, stimulées par leur affection réciproque.
La mise en scène dépouillée et habile de Fabienne GOZLAN laisse place à l’imaginaire – nous ne voyons que de dos le vieux musicien prétendant de Giza – et le public embrasse du regard, d’un côté Giza dans son logement modeste, de l’autre Erzsi dans son fauteuil roulant qui parle de son château . La distance entre les deux sœurs semble favoriser leurs échanges aériens, plus libres, plus sauvages. C’est leur journal intime que distille tout au long de la pièce, Istvan ORKENY, un journal dont les deux ailes bruissent et ruissellent de fraîcheur. Étonnant !
Les comédiennes Sophie PINCEMAILLE et Jeanne-Marie GARCIA toutes deux excellentes épousent parfaitement leurs personnages. C’est un grand moment de théâtre. Et c’est beau, réconfortant de sentir cette main tendue ouverte à l’horizon, ligne de cœur, ligne de vie !
Paris, le 5 Novembre 2016 Évelyne Trân