Avec : Jacques Bonnaffé, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios, Ruth Vega Fernandez
Une dramaturgie d’essence pirandellienne ! Tiago RODRIGUES convoque tous les personnages dur roman Madame BOVARY en tant que témoins ou preuves vivantes lors du procès qui fut intenté à Flaubert en 1867 pour outrage à la morale publique et à la religion.
Les joutes de l’avocat de l’accusation Maître PINARD et celles de l’avocat de la défense reflètent le compte rendu des débats du procès vécu comme une torture par Flaubert qui le fit consigner par une sténographe afin de conserver une mémoire de cette injustice.
Au beau milieu des personnages qui vivent leur roman durant le spectacle scène après scène, se dresse Flaubert lui même quelque peu dépité de se retrouver figurant dans un procès complètement focalisé sur le personnage d’Emma qui allume tous les fantasmes aussi bien ceux de l’avocat de la défense que celui de l’accusation.
« Cachez donc ce sein que je ne saurai voir » faisait dire à Tartuffe, Molière.
Madame BOVARY, c’ est moi aurait dit Flaubert. Il s’agit d’un personnage qui vit dans deux mondes, celui du rêve et celui de la réalité, de façon parallèle en quelque sorte. Forcément la réalité a le dessus et se révèle impitoyable vis à vis des désirs de jouissance d’une femme ! Le roman a beau être très noir puisqu’il se termine par le suicide d’Emma et plus tard la mort par chagrin de Charles BOVARY, il porte en lui le germe d’une révolution, celle de la prise de paroles des femmes en tant que sujets et non plus objets dans un monde ancestralement légiféré par des hommes.
L ’Emma imaginée par Tiaga RODRIGUES, respire la santé, la sensualité, elle suscite le désir. Sa vision de Madame BOVARY n’est pas triste, parce qu’elle est engagée par sa volonté de faire respirer l’œuvre faisant de ses lecteurs, ses interprétes et mêmes de ses juges, des complices, des témoins de la création artistique, véritable contre pouvoir de la dictature politique ou religieuse.
En préambule de la pièce, des individus essaiment sur la scène des feuilles volantes nues, des kilos de papiers, toutes ces pages du livre qui vont être interprétées, critiquées, piétinées ou caressées, c’est le lit de naissance d »Emma BOVARY en quelque sorte. Peu de décor, seuls des paravents illustrés de formes oblongues d’une matière insolite, d’une impassibilité sourde, rayonnante.
Porté par une distribution d’excellents comédiens, le spectacle offre une vision extrêmement stimulante du roman de Flaubert, qui prend l’air de la résistance, de la joie de vivre, celle d’Emma.
Paris, le 17 Octobre 2016 Evelyne Trân