Auteur : Filip FORGEAU
Artistes : Soizic GOURVIL, Laurianne BAUDOIN
Metteur en scène : Filip Forgeau
Ce spectacle représente un des poèmes les plus sombres de Victor Hugo, une partie de sa chair échouée, une prolongation de lui même, ses filles, ses bras, qui se sont échappés de ses propres angoisses pour rappeler au poète qu’hélas, la réalité peut être pire que les cauchemars les plus noirs.
L’imagination tourmentée de Victor Hugo qui saisit le lecteur des Contemplations notamment ou de son roman l’Homme qui rit, est prégnante dans le nouveau spectacle de Filip FORGEAU qui poursuit après Milena, Rosa Luxemburg, ses portraits de femmes, en s’intéressant aux destins dramatiques des deux filles de Victor Hugo, Léopoldine et Adèle.
Filip FORGEAU, lui même poète, entend donner voix au corps féminin au delà sans doute de ce que nous connaissons car en vérité elles ne sont pas si nombreuses les femmes auxquelles nous faisons référence en tant qu’auteures, artistes; il ne faut pas oublier qu’elles ont été bâillonnées pendant des siècles.
Être les filles de Victor Hugo, comment était ce possible ? Le seul écho que nous ayons de Léopoldine passe par le célèbre poème de son père « Demain dès l’aube » qui fut extrêmement choqué lorsqu’elle mourut noyée à 19 ans lors d’une excursion en bateau. Quand à Adèle la sœur cadette, nous savons seulement qu’elle devint folle à la suite d’une terrible déception amoureuse et qu’elle finit ses jours à l’asile comme Camille Claudel.
Les voix des deux sœurs qui semblent vouloir raccorder leurs destins forment le dialogue de la vie et la mort, induisant l’idée que la folie d’Adèle a commencé avec la mort de sa sœur. Le fantôme de Léopoldine hantait la sinistre et belle demeure des Hugo dans l’île de Jersey. Cela ne pouvait pas être autrement avec ces roulis incessants de la mer, cette mer si belle mais cause de la mort de Léopoldine.
FILIP FORGEAU imagine aussi l’amour entre ces deux sœurs, réunies par leurs destinées tragiques et évidemment par la voix du père qui hante leurs sensibilités et que l’on entendra à la fin, portée par Daniel MESGUICH, magnifique.
La scène restitue le climat inquiétant, lugubre et fantastique d’un vaisseau fantôme investi par des revenantes qui laissent libre cours à leurs sentiments de façon bruyante pour nos oreilles sourdes de terriens mais oh combien bouleversante pour ceux qui veulent distinguer à travers la houle de la mer toutes ces voix qui ne se tairont jamais.
Un très beau spectacle troublant et captivant, bellement incarné par Soizic GOURVIL et Laurianne BAUDOIN, qui rend hommage aux deux filles de Victor Hugo et au poète, à la vie, à la mort, passionnément.
Paris, le 13 Octobre 2016 Evelyne Trân