Auteur : Aurélien Delsaux
Artistes : Jeanne Guillon
Metteur en scène : Aurélien Delsaux
Objets, avez vous donc une âme ? Il est étonnant que des psychiatres aient associé la figure du philosophe Diogène qui prônait le dénuement total, au comportement de certaines personnes souvent âgées et isolées souffrant du syndrome d’accumulation compulsive. Il est vrai que la solitude et les objets ne font pas toujours bon ménage dans un logement exigu. Vis à vis des autres, oui, une apparence soignée est la norme et d’après le mythe, Diogène qui se moquait des conventions, choquait ses contemporains par sa mise négligée. Cela dit, Diogène vivait beaucoup dehors et se contentait d ‘une jarre pour dormir.
Le personnage que décrit Aurélien DELSAUX a probablement été une personne « normale ». En vérité, comme les animaux dont l’homme fait partie, le besoin de propreté est instinctif et vital. Mais Madame DIOGENE est en fin de course, elle vit davantage dans sa tête que dans la réalité qu’elle ne veut plus entendre, qui d’une certaine façon l’horrifie comme une présence extérieure menaçante et intrusive.
Cette Madame DIOGENE n’appelle pas à l’aide, elle joue sa dernière partition, un lâcher prise redoutable intime et « merveilleux ». Elle est intéressante dans la mesure où elle nous renvoie à nos propres monstres enfouis en nous.
Le besoin d’accumuler des objets inutiles ne répond-il pas à une compensation affective ? L’inconvénient et l’avantage avec les objets, c’est qu’ils ne bougent pas, ils ne peuvent pas s’échapper, ils assurent une présence indubitable et surtout ils cristallisent les souvenirs.
Chaque Madame DIOGENE a son histoire après tout. Dans cette adaptation théâtrale de son roman, Aurélien DELSAUX lui donne le beau rôle, traitant de façon assez caricaturale les voisins, la nièce qui n’ont qu’une seule envie l’éliminer. C’est en tout cas ce qu’éprouve cette pauvre vieille. Ce faisant l’auteur creuse le fossé entre les gens normaux barricadés dans leurs valeurs conformistes et les marginaux. Du coup, nous aurions envie de les défendre ces braves gens. Tout le monde n’est pas capable de trouver de la poésie dans une meute de cafards qui élisent domicile dans un tas d’ordures. La description qu’en donne la voisine est particulièrement comique et grinçante, la référence à la métamorphose de Kafka imminente.
Sauf que la vision d’Aurélien DELSAUX dispose de cette fraîcheur d’enfance qui s’extasie, grossissant chaque impression comme dans des contes effrayants et fabuleux, peuplés de sorcières et de monstres.
Grâce à l’interprétation généreuse de Jeanne GUILLON et l’imagination foisonnante d’Aurélien DELSAUX, Madame DIOGENE se dresse comme une véritable poétesse :
« Souviens-toi qu’elle est née du chaos toute la beauté de nos îles ».
Paris, le 10 Septembre 2016 Evelyne Trân