LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD de MARIVAUX – MISE EN SCENE DE Salomé VILLIERS au THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre Dame des Champs 75006 PARIS du 31 Août au 23 Octobre 2016 à 20 H du mardi au samedi, le dimanche à 18 H.

AFFICHE REPRISE  Le jeu de lamour et du hasard_HDAVEC SALOMÉ VILLIERS ( S I LV I A ) RAPHAËLLE LEMANN (LISETTE) PHILIPPE PERRUSSEL (M. ORGON) BERTRAND MOUNIER (MARIO) FRANÇOIS NAMBOT (DORANTE) ETIENNE LAUNAY (ARLEQUIN)

« Le jeu de l’amour et du hasard » n’est-il pas un titre de pièce magnifique qui résonne comme une exclamation ?

Il y a du mystère chez tout être pour Marivaux. Bien qu’issu de la noblesse, il a débordé de son rang social en devenant journaliste et observateur critique de son époque. C’est une ténébreuse affaire que celle de la hiérarchie sociale et Marivaux en son temps ne peut pas être révolutionnaire. Néanmoins extrêmement sensible à cette frontière sociale qui sépare irrévocablement les maîtres des valets et toujours les riches des pauvres, il réussit à la traverser en élevant la seule flamme qui vaille, celle de l’amour.

L’amour serait l’exception qui confirme la règle, l’impossibilité de déroger au déterminisme social. Tout se passe par le regard des uns et des autres, leurs réflexes, leurs clichés, qu’ils ont si bien assimilés du fait de leur culture, leurs croyances, leur éducation, qu’il semblerait qu’il n’y a pas d’autre issue pour les protagonistes que de se conduire tels qu’ils sont nés, rattachés à leur naissance, faute de quoi aussi perdre leur identité.

Dans ce jeu de masques où les bourgeois sont déguisés en valets et ces derniers en maîtres de maison, l’amour peut se déclarer avec pureté sauf que les protagonistes éclaboussés par cette fraîcheur sentimentale, sont bien obligés de se demander s’ils sont aimés pour eux mêmes- mais qu’est-ce que soi-même – pour ou malgré leur condition sociale, leur richesse ou leur pauvreté.

Conflit entre l’apparence et l’être . Marivaux n’entend pas aller si loin. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de cette pièce de montrer la réalité telle qu’elle est. Ce qui est affaire de sentiment reste individuel et ne changera pas les codes de la société. Sublimes du point de vue de l’amour, Silvia et Dorante se révèlent particulièrement peu amènes vis à vis de leurs valets jusqu’à éprouver de la répulsion à leur égard. Les masques n’y peuvent rien, la tache indélébile de la naissance fonctionne, les bourgeois et les nobles sont distingués, un domestique comme Arlequin doit être par essence grossier et mal éduqué. Que peut-on contre l’adage proverbial « Chaque pain a son fromage » ?

A ce niveau, le libéralisme aimable du père Orgon qui accepte la fantaisie de sa fille de se déguiser est de pure forme. Quant à la tentative d’émancipation féminine de Silvia, elle est encore très timide puisqu’elle doit se déguiser pour la faire valoir.

Dans la mise en scène de Salomé VILLIERS, une certaine outrance se dégage des valets notamment à travers leurs costumes voyants et vulgaires. L’esprit boulevard n’est pas loin et la pèche des comédiens accentue l’aspect ludique de la pièce. Quelques clips vidéos avec la musique rock et pop des sixties donnent le ton de la pièce interprétée comme une farce sociale.

Il appartient aux spectateurs d’y retrouver la cruauté qui suinte derrière les apparats de la comédie. Les comédiens sont excellents, notamment RAPHAËLLE LEMANN qui joue Lisette avec beaucoup de vitalité.

C’est cette vitalité inhérente à la pièce qui nous emporte comme dans un manège tourbillonnant avec ses occupants effarés faisant des signes au public : alea jacta est !

Paris, le 3 Septembre 2016                    Evelyne Trân

 

 

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