Don Quichotte, ce n’est pas seulement les moulins à vent. La vision de Jérémie Le Louët humanise vraiment ce personnage, cet anti-héros. Les propos que nous avons retranscrits à partir d’un bonne partie de l’entretien audio ci-dessous en témoignent.
– C’est un projet que vous aviez de longue date, Don Quichotte? Vous l’avez lu enfant ?
Non, je ne l’ai pas lu enfant. Je l’ai lu, il n’y a pas si longtemps que ça. D’abord, j’ai mis en scène des classiques contemporains et plus anciens, Ionesco, Maupassant, Shakespeare. Après Richard III, on a tous ressenti dans la troupe une lassitude du spectacle linéaire et on a eu besoin de questionner un peu le modèle, la tradition. Nous avons écrit un spectacle collectivement qui s’intitulait « Affreux, bêtes et pédants » qui était une satire de la vie culturelle française dans laquelle on explorait toutes sortes de théâtralité. C’était finalement un spectacle qui parlait de la désilllusion.
Ensuite, j’ai monté Ubu Roi qui se monte joyeusement dans la tradition. C’était une entreprise de démolition mais dans la joie. Une sorte de spectacle très très violent et un peu volcanique dans lequel on s’amusait à trainer dans la boue nos modèles et le pire de la théâtralité, une sorte d’hommage à un théâtre dont on avait envie de se moquer et pour lequel on avait en même temps beaucoup de tendresse. A l’issue du spectacle, je crois qu’on était tous habités du même …
– Du même désir d’adapter Don Quichotte. il y a tellement d’allées et venues dans ce texte, il y a tellement de choses donc il y a la possibilité de trouver un chemin …C est un labyrinthe ?
Un labyrinthe exactement. C’est aussi un livre qui est mutant. On a essayé de monter ça un spectacle qui serait en mutation permanente comme le monde est en mutation permanente. Il est à cheval entre le Moyen âge et la Renaissance où on se sent, quelque part, le cul entre deux chaises.Quand on regarde derrière nous on a des modèles, on a le sentiment qu’il y a peut être un âge d’or qui nous a précédés et finalement on ne sait pas s’il est réel ou s’il est fantasmé. Est-ce que les années 60 étaient réellement un âge d’or. Finalement, nous, on n’en sait rien. On éprouve le sentiment peut-être un peu curieux d’une nostalgie d’une époque qu’on n’a pas connue. C’est peut-être assez générationnel et le spectacle est en même temps un hommage et une moquerie et je crois surtout empreint d’une profonde mélancolie.
– Sur le monde… Il y a un clin d’oeil lorsqu’il dit « Je suis en colère » aux indignés,
– Qu’est ce qu’on peut faire ? Peut être rien, peut être juste communier. Peut-être que cela ne sert à rien, peut être que c’est ridicule et peut être que cette chose naïve tout simplement comme à l’agora, on peut la mettre sur la table. Voilà on en parle. Et en même temps cette chose est effrayante qui est en fonction de la récupération, qui rend cynique …. C’est extrêmement déplaisant. On a l’impression qu’on a du mal à échapper à une sorte de cynisme.
Le spectacle porte en lui un brin de cynisme mais le héros est pur. Le héros lui, je pense, n’est pas dans le cynisme. Voila pourquoi les gens nous suivent avec autant de ferveur et d’empathie. C’est que ça vient de Don Quichotte , cela ne vient pas d’un autre. L’époque est très cynique, c’est vrai.
– Il y a aussi de l’extravagance, de la folie dans notre époque
Oui . Il y a l’impression que le savoir est à portée de main, ça c’est exceptionnel, c’est magnifique et en même temps ce savoir, on l’ a certes archivé mais on n’est plus capable de l’intégrer. La question du savoir évidemment… pour faire un spectacle qui soit également une traversée dans l’histoire du théâtre et de la théatralité avec des citations qui paraissent archaiques, plus en rupture. Pour pouvoir s’en moquer, il faut savoir le défendre avec une réelle ferveur et un vrai 1er degré. Ca pour le coup, c’est une chose qui nous tient depuis tant d’années : nous ne sommes pas sectaires.
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C’est un héros pour vous Don Quichotte ?
Oui bien sûr mais c’est un héros qui n’accomplit rien et c’est terrible, c’est terrible, c’est terrible
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Il a le désir de faire des bonnes choses, c’est déjà pas mal
Exactement. Mais à la fin quand il est évincé, il y a ce regard très mélancolique de Cervantes qui fait dire à son héros : je renie, je renie, je les déteste, je ne veux plus en entendre parler. C’est très dur.
Cervantes, c’est assurément quelqu’un qui a réussi le tour de force de faire un roman expérimental et populaire. Il est capable f’une lourdeur humoristique incroyable avec des fulgurances tout à fait épatantes. C’est ce que nous avons voulu rendre dans le jeu qui évolue, les lumières, la technique . Tout change dans le spectacle tout le temps et en même temps il y a une tendresse et une forme de sacarsme qui touche le monde. Souvent on parle de festival populaire mais ça ne veut rien dire . Populaire, c’est nous, populaire qui c’est ? On ne peut partir que de soi, sinon c’est l’autre. Si le populaire, c’est l’autre, ça devient problématique.
- Vous allez faire une tournée ?
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Oui, bien sûr, on reprend du 8 Septembre au 9 Octobre à Paris dans la nouvelle salle du Théâtre/13 .*
- Propos recueillis par Evelyne Trân le 6 Août 2016
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J’avoue que ce fut une soirée difficile pour moi, je n’ai pas adhéré du tout;j’ai vu plusieurs Don Quichotte pourtant , c’est celui qui m’a paru le plus fade et que je ne conseillerais à personne; je suis agée c’est vrai mais encore curieuse. Il a fallut même l’homme nu , pourquoi ? Le passage des extraterrestres par contre plus intéressant
Je n’ai pas du être à penser de même ou approchant car même s’il y a eu quelques applaudissements (pour le travail des artistes) ils furent de courte durée.
Dommage, je suis rarement déçue des spectacles de Suresnes mais cette fois ci ???
M. Quero
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