Artistes : Alain Carbonnel, Hughes De La Salle, Hélène Hardouin, Juanita Boada, Nathalie Jeannet, Matila Malliarakis, Igor Oberg, Solange Wotkiewicz, Annabel de Courson, Jorge Migoya.
Chiche ! Susana LASTRETO a peut-être bien planté un cerisier dans son théâtre en hommage à Anton TCHEKHOV et à sa cerisaie, libérant de turbulents souvenirs où se mêlent à la fois Peter BROOK et Michel PiCCOLI.
Quinze ans que la Compagnie GRRR est en résidence d’été au THEATRE 14 mais la belle aventure est sur le point de se terminer. Et la Cerisaie dit-elle a réveillé des échos de leur propre histoire :
« Mettre en scène la Cerisaie est un défi, il nécessite des moyens que nous n’avons pas encore trouvé ».
Anton TCHEKHOV lui-même n’a-t-il pas laissé mûrir longtemps ses personnages, notamment Lioubov, Lopakhine, Trofimov, Firs avant de les autoriser à s’incarner sur scène. Il confie à sa chère épouse Olga, son petit cheval, que « la Cerisaie point dans son cerveau, elle se transforme tous les jours ».
C’est la joyeuse Compagnie GRRR qui joue tous les personnages en suspension. A vrai dire tout se mélange car les artistes sont à la fois les personnages et les comédiens qui les apprivoisent en chansons.
Les cerises ce sont les chansons douces amères, nostalgiques ou coquines qui nous content « l’enfant que j’étais » de Jeanne Moreau ou nous parlent d’un Dieu gargouille et carnaval qui fait soupirer Lioubov «Ah si seulement Dieu pouvait nous venir en aide ! ». Des cerises qui ont la chance d’être alcoolisées par la férule d’excellents musiciens Annabel de Courson et Jorge Migoya.
Tchekhov était un grand rêveur et sa Cerisaie, une très fine partition, c’est vu du ciel à la terre ou inversement, du fil tendu de l’invisible au visible, et le bonheur de revoir certaines scènes, d’écouter la magnifique tirade de l’étudiant Trofimov :
« Imaginez, Ania : votre grand-père, votre arrière-grand-père, tous vos ancêtres possédaient des esclaves, ils possédaient des âmes vivantes, et ne sentez-vous pas dans chaque fruit de votre cerisaie, dans chaque feuille, dans chaque tronc, des créatures humaines qui vous regardent, n’entendez-vous donc pas leurs voix ?… »
et s’émouvoir de la triste fin du vieux domestique Firs.
Tchekhov c’était aussi un bon vivant, et nous voulons bien croire que son dernier geste avant d’expirer et d’avoir vu jouer sa Cerisaie, fut de boire une coupe de champagne.
Avec Susana LASTRETO et toute la troupe de la compagnie GRR, en rêvant de la Cerisaie, nous avons trinqué avec le jeune TCHEKHOV !
Paris, le 29 Juillet 2016 Evelyne Trân