ILLUSIONS de Ivan Viripaev au THEATRE DE L’AQUARIUM A LA CARTOUCHERIE DE VINCENNES Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

illusions

traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel (Ed. Les solitaires intempestifs)
mise en scène Galin Stoev
chorégraphie Jérémy Petit, lumière Pierre Montessuit assisté d’Elsa Revol
avec Raphaël Bedrossian, Flora Bourne-Chastel, Elsa Canovas, Jean-Baptiste Florens, Sarah GlondLou Granarolo, Valentine Lauzat, Nelly Lawson, Marilou Malo, Pauline Masse, Jérémy Petit, Aurélien Pinheiro, Willie Schwartz

Faire éclater la bulle dans laquelle il se trouve depuis 50 ans avec son épouse, c’est le passage à l’acte par le rêve qu’Albert s’octroie enfin, au seuil de la mort. Il avoue à sa chère épouse Margaret qu’il ne l’a jamais aimée et qu’en réalité, la vérité vertigineuse de l’amour, il l’a éprouvée pour une autre, Sandra, la femme de son ami Dennis.

Cruel aveu qui résonne comme un camouflet vis à vis de Margaret qui ne trouvera pas d’autre posture que d’avouer à son tour qu’elle était la maîtresse de Dennis.

Des vies bâties sur le mensonge, est-ce possible ? Mensonge ou illusion, c’est juste une question de perspective, car il est évident que deux personnes même accolées depuis des décennies, quand elles regardent un nuage, elles ne voient pas la même chose. Pourquoi se contrediraient-elles, l’une observe ceci, l’autre cela et sont satisfaites de leurs impressions.

Quel individu n’emporte pas un petit secret dans sa tombe, un rêve inavoué, un amour jamais déclaré ?

Nous nous illusionnons les uns les autres, et approcher la vérité de l’autre, ses véritables sentiments tient de la gageure, tout simplement parce que la vérité échappe à ceux mêmes qui croient la détenir et semblerait ne réussir à s’exprimer que dans la fulgurance d’un rêve, d’une lubie, d’une extravagance, qui feraient éclater comme lorsqu’on perce un nuage, une réalité trop bien cousue.

Tout le long de cette curieuse pièce, Ivan VIRIPAEV prend un malin plaisir à diluer nos sens de la réalité à travers la confusion de sentiments vécue par deux couples amis, racontée par plusieurs acteurs, sous la forme d’un talk show. A l’origine, ils étaient quatre mais le metteur en scène fait intervenir treize comédiens.

A travers ces treize intervenants, c’est la polyphonie de la vie qui s’exprime. Ce ne sont pas les corps réels de chacun des personnages qui importent, c’est la fluctuation de leurs perceptions, qui traversent toutes choses. C’est un déversement de notes, de gammes qui peuvent aussi bien prendre la forme de jolies femmes pimpantes que de jeunes hommes dans le tourbillon d’une histoire de vie, de mort où le rêve finirait par nous envahir.

Il est étrange d’observer sur la scène très dépouillée combien la matière semble avoir avoir été évacuée au profit des seuls sentiments des protagonistes. Il y a juste un canapé, une guitare électrique, un tableau noir, une table de régie, un seau de champagne…

Cet affranchissement de la matière permet sans doute d’aborder une autre frange de la réalité, celle vécue intimement par les personnages. Il s’agit, il est vrai d’une réalité occultée. Évidemment, si nous n’avions pas les pieds sur terre, si nous n’étions pas sans cesse parasités par de multiples problèmes matériels, des fantasmes nous emporteraient et dieu sait où ?

Il y a cet appel au rêve forcené, douloureux et ironique comme un appel à l’amour, à travers quelques lubies soudaines et exceptionnelles de ces couples bien sages, notamment celui de Margaret qui s’enferme dans une armoire, et refuse d’en sortir si son époux ne chante pas pour elle. Cela nous est raconté, nous ne le voyons pas, nous l’entendons par la grâce de notre imaginaire et c’est fort, très fort !

La pièce fonctionne comme une balade, un conte de vie et de mort facétieux, philosophique, qui permet de lâcher bride comme ces vieux couples dont la vie s’est déroulée comme dans un rêve comme s’il n’avaient touché terre que pour mieux s’envoler, s’échapper, tels des flocons de soi, d’illusions trop émues, molles, dira l’un des personnages, mais c’est tellement plus gratifiant que le béton et la réalité goudron.

Le metteur en scène bulgare Galin STOEV orchestre finement avec tendresse la joyeuse bande des comédiens qui donnent vie à ces deux vieux couples avec toute la fraîcheur et la vivacité qu’exigent leurs illusions, ma foi, fort subversives. Qui s’en plaindrait !

Paris, le 8 Avril 2016                            Evelyne Trân

 

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