Pascal Reverte Mise en scène : Vincent Reverte
Une conscience lâchée dans l’espace, l’homme qui parle qui dialogue avec une autre femme, donne l’impression d’être enfermé dans un cageot spatial sans d’autres repères que les turbulences de ses sensations.
Nous le comprenons assez vite, ces personnes sont dans le service de réanimation d’un hôpital, dans un état comateux, livrées au bon savoir, au bon vouloir des docteurs et des infirmiers. Les commentaires des uns et des autres qu’elles repêchent, les pénètrent comme dans une sorte de rêve éveillé. Ont-elles vraiment besoin de manifester leur présence, les autres parlent pour elles, ce sont des malades, des victimes d’accident, au pronostic vital engagé.
Seul, terriblement seul, l’homme doit se débrouiller dans l’espace confus de sa mémoire, s’accrocher certainement pour résister à la souffrance, aux assauts de piqûre de morphine.
Alors, il devient spectateur de cette unique, incroyable expérience, de se trouver là entre la vie et la mort, comme un fétu de paille pourtant encore embrasé par ses souvenirs, des fantômes qui se moquent de lui, qui s’amusent avec lui, qui lui font tourner la tête.
La vilaine pendule affiche délibérément les 29 secondes, le temps de leur évanouissement, qui permettent à cet homme et cette femme d’engager un dialogue fortuit comme dans une salle d’attente, ici l’antichambre de la mort.
La femme et l’homme parlent à tue tête, nous devinons qu’il s’agit de la même personne qui s’est divisée pour exprimer ses sentiments contrastés, où l’angoisse et l’humour se mêlent.
Le metteur en scène, Vincent REVERTE, fait cligner l’œil des spectateurs à travers les rayures du papier peint sinistre qui cernent la scène, faisant penser aux pyjamas rayés des bagnards. La réalité en somme la plus attristante se paie, il suffit d’y croire, le luxe de la fantaisie, celle de la femme qui abandonne sur le sol ses jolies paires d’escarpins à talons aiguilles, tels une nuée de pigeons égarés.
La mort fait partie de la vie nous dit en quelque sorte Pascal REVERTE, et il célèbre à sa façon un espace de liberté inouï celui de la création, l’instant de suspension suprême, un I feel good aussi doux qu’un je t’aime.
Servie par d’excellents interprètes, Pascal REVERTE, lui même, et Aude LEGER et une mise en scène suggestive qui met en valeur la force de la présence humaine dans un lieu qui frise l’inhumain, celui de l’infâme tristesse, celui de l’indifférente réalité, I feel good est une jolie pièce, une belle partition poignante et drôle, sur l’existence, quoiqu’il arrive…
Paris, le 6 Mars 2016 Évelyne Trân