Jouir ou ne pas jouir that is the question. Pauvres femmes qui n’ont rien d’autre à faire que d’attendre que leurs doubles mâles bandent, bandent et bandent encore pour leur prouver qu’ils sont des hommes, des vrais, olé !
Heureux le cochon d’Inde qui avec son pénis minuscule mais proportionnel à sa taille n’a probablement pas le loisir de s’inquiéter de son impuissance.
Mais de quand date la naissance de l’ange ? MICHEL-ANGE paraît-il fût le seul à avoir peint des anges sans ailes. Qu’il n’ait pas de sexe apparent ne l’empêche pas de faire valoir ses qualités viriles à l’instar de l’ange Michel magnifique terrasseur du diable souvent figuré par un dragon.
La religion a toujours eu un sens aigu de la politique des âmes et également des corps. Ce fil invisible qui relie la tête au sexe n’a pas d’autre frontière que cet encombrant pénis qui ne sait s’exprimer qu’en bandant pour libérer fièrement sa semence tel un bouchon de champagne. C’est tellement bête !
Maurici MACIAN-COLET s’est-il inspiré de cette célèbre réflexion de Pascal « Qui veut faire l’ange fait la bête » ? Tout le mal qui règne sur terre aurait-il pour origine l’impuissance masculine ? C’est une question fort épineuse que pose cette pièce fort originale « Nature morte avec sexe d’ange ». Napoléon, Hitler avaient-ils des problèmes sexuels ? N’allons pas trop vite en la besogne . Nous sommes tous concernés par cette déconvenue existentielle qui implique la médecine, le commerce, les rapports de couples, la famille etc.
Maurici MACIAN-COLET met en scène cinq personnages : deux hommes debout sur leur petit édifice social, l’un est urologue, l’autre vendeur d’une encyclopédie universelle, deux femmes en dégringolade, une vieille prostituée novice (ancienne épouse de l’urologue) et une jolie idiote (fille de l’urologue) et enfin un être sans sexe qui devrait être un ange …
Farce tragique et percutante qui dénonce l’inceste infligé par le père à sa fille attachée à une laisse comme une chienne, l’esclavage sexuel d’une prostituée qui doit subir les fantasmes du vendeur d’encyclopédies, impuissant, et inaugure le mal être de l’ange qui attend la reconnaissance d’une femme, celle qui fait l’idiote mais s’illumine face à ce cadeau du ciel.
C’est méchamment drôle et éloquent. Tous les interprétes sont formidables. Les metteurs en scène ont mis en place des rideaux de plastique qui bornent la scène, évoquant ceux qu’on utilise dans les hôpitaux et dont la matière laide donne le ton du malaise rampant qui relie tous les personnages.
La distance ironique opérée par l’auteur et les metteurs en scène permet l’incision sans trop de douleur – mais tout de même – dans cette plaie mise à nu, l’impuissance masculine. Il s’agit d’un acte politique ! Combien osent toucher au phallus, cet organe statufié – menhirs, obélisque de la Concorde, canons, manette d’automobile, tout est bon pour le magnifier – qui n’a pas seulement un rôle procréatif, qui symbolise l’omnipotence de l’homme, son règne sur la terre, de toute éternité.
Paris, le 14 Février 2016 Evelyne Trân