La chanson « Pour me rendre à mon bureau » de Jean Boyer (paroles et musique) fut tout d’abord interprétée par Georges Tabet. Georges Brassens l’a interprétée beaucoup plus tard lorsqu’il a enregistré un disque consacré aux chansons qui l’influencèrent dans sa jeunesse.
Pour me rendre à mon bureau, j’avais acheté une auto
Une jolie traction avant qui filait comme le vent.
C’était en Juillet 39, je me gonflais comme un bœuf
Dans ma fierté de bourgeois d’avoir une voiture à moi.
Mais vint septembre, et je pars pour la guerre.
Huit mois plus tard, en revenant
Réquisition de ma onze chevaux légère
Streng verboten provisoirement.
Pour me rendre à mon bureau alors j’achète une moto
Un joli vélomoteur faisant du quarante à l’heure.
A cheval sur mon teuf-teuf je me gonflais comme un bœuf
Dans ma fierté de bourgeois de rentrer si vite chez moi.
Elle ne consommait presque pas d’essence
Mais presque pas c’est encore trop.
Voilà qu’on me retire ma licence
J’ai dû revendre ma moto.
Pour me rendre à mon bureau alors j’achète un vélo
Un très joli tout nickelé avec une chaîne et deux clefs.
Monté sur des pneus tous neufs je me gonflais comme un bœuf
Dans ma fierté de bourgeois d’avoir un vélo à moi.
J’en ai eu coup sur coup une douzaine
On m’les volait périodiquement.
Comme chacun d’eux valait le prix d’une Citroën
Je fus ruiné très rapidement.
Pour me rendre à mon bureau alors j’ai pris le métro
Ça ne coûte pas très cher et il y fait chaud l’hiver.
Alma, Iéna et Marboeuf je me gonflais comme un bœuf
Dans ma fierté de bourgeois de rentrer si vite chez moi.
Hélas par économie de lumière
On a fermé bien des stations.
Et puis ce fut, ce fut la ligne tout entière
Qu’on supprima sans rémission.
Pour me rendre à mon bureau j’ai mis deux bons godillots
Et j’ai fait quatre fois par jour l’trajet à pied aller-retour.
Les Tuileries, le Pont Neuf je me gonflais comme un bœuf,
Fier de souffrir de mes cors pour un si joli décor.
Hélas, bientôt, je n’aurai plus d’godasses,
Le cordonnier ne r’ssemelle plus.
Mais en homme prudent et perspicace
Pour l’avenir j’ai tout prévu.
Je vais apprendre demain à me tenir sur les mains
J’irai pas très vite bien sûr mais je n’userai plus d’chaussures.
J’verrai l’monde de bas en haut c’est peut-être plus rigolo.
Je n’y perdrai rien par surcroît :
Il n’est pas drôle à l’endroit.
Pour peux que sur le trottoir j’ai la chance
De mettre la main en plein dedans
En plein dedans de la chose que je pense
Je serai l’homme la plus contant.
Ca me portera bonheur, ça me donnera du cœur
Pour attendre patiemment ma prochaine traction avant.