Acteur: Annette Benedetti |
Auteur: Gilles Granouillet |
Mise en scène: Jean-Marc Galéra |
P.S. : Annette BENEDETTI était invitée à l’émission DEUX SOUS DE SCENE le samedi 7 Février 2016, sur Radio Libertaire 89.4 (en podcast sur le site Grille émissions de Radio Libertaire pendant un mois).
Ils ou elles sont combien à s’éprouver seuls ou seules en scène dans la vie tout simplement ? Gageons que Gilles GRANOUILLET est un grand observateur de ces visages anonymes, souvent murés dans leur silence que l’on côtoie tous les jours en sortant de chez soi pour aller faire ses courses, aller au boulot ou chercher ses enfants à l’école.
Comment s’appelle t-elle au juste cette femme qui déboule dans la salle des professeurs où doit se tenir un conseil de classe. Nous le saurons pas, nous apprendrons seulement qu’elle est la mère de Burt, un ancien élève du collège.
Salle d’examen, salle de profs, salle d’attente de commissariat, tribunal etc, configurent des lieux d’institutions, particulièrement angoissants pour ceux qui y pénètrent alors même qu’ils sont vides. Dans la mise en scène sobre et suggestive de Jean-Marc GALERA, la jeune femme semble être revenue dans cette salle de prof comme par réflexe, parce qu’il s’agit d’un lieu hanté par des souvenirs terribles. C’est ici qu’elle a entendu parler de son fils comme d’une brebis égarée, qu’elle a été assaillie par les réflexions décourageantes et blessantes d’un chef d’établissement qui ne faisait que son travail certes, mais lui a fait sentir sans aménité qu’elle et son fils avaient un comportement impossible. Ce genre de situation combien de mères ou de pères l’ont vécue ? Il faut bien le dire, il y a ce rapport de force entre des individus en proie à des émotions paralysantes qui leur coupent la parole et des interlocuteurs murés dans leur rôle social.
Déclic formidable pour la jeune femme, une petite boule de feu, pleine de vitalité qui pour raconter sa vie et celle de son fils, doit passer par ses émotions . Cela ne s’explique pas comment l’on est dit-elle. Elle est nature, elle, elle a toujours été portée par ses sentiments. Elle est organique. Oui d’accord, elle est fille mère et son fils Burt possède cette tache – pas de relation au père – mais le fait que son fils ait été conçu dans une salle de cinéma, allez vous le faire entrer dans la grille des particularités ? Cela n’intéresse personne. Sauf la jeune femme – appelons la Annette du prénom de la comédienne – qui va se mettre dans la tête que son fils peut devenir acteur et qu’elle doit le présenter à tous les castings possibles. Ça ne va pas marcher, bien sûr !
Le personnage que campe Annette BENEDETTI, est terriblement attachant parce qu’il met en scène une jeune femme qui se bat à fond avec ses propres moyens, son cœur, son enthousiasme pour exister elle et son fils. C’est une créatrice, elle met de l’imagination dans sa vie, ce qui lui permet de rebondir même si elle se plante, même si aussi, elle souffre. Annette ne se plaint pas, la passion pour son fils est son seul horizon mais il remplit sa vie . Elle le sait qu’elle ne comprend pas tout, elle le sait qu’elle s’est laissée emportée, abusée par des illusions mais elles lui ont permis de communiquer à son enfant, un certain bonheur de vivre, de la poésie. Personne ne s’étonnera d’apprendre que ce pauvre fils à maman devienne finalement un artiste.
Cette jeune femme est un poème vivant capable de résister à ses affreuses croûtes de la réalité ambiante qu’on appelle misère. La misère ce n’est pas tant les fins de mois difficiles, les métros bondés, que le sentiment de n’avoir pas la parole si l’on est catalogué marginal. Vous n’êtes pas comme les autres, vous êtes minoritaires, alors les autres feront comme si vous n’existez pas.
Annette ne parle que pour elle même mais son témoignage coloré, poignant, a force de vie, il nous donne courage, il soulève nos ardeurs.
Ah ce buisson d’émotion qui vous a empêché de vous exprimer, qui vous a cloué sur place, face au juge, face au proviseur, patron ou n’importe quel fonctionnaire, vous pouvez l’entendre frémir, rayonner à travers ce personnage incroyablement nature qu’interprète cette remarquable comédienne Annette BENEDETTI, bouleversante !
Paris, le 6 Février 2016 Évelyne Trân