Mise en scène
Patrick Courtois Carl Hallak
Avec
Patrick Courtois Marie Delaroche
La valse du hasard, ce n’est pas tout à fait le big bang de l’univers ni le sac de nœuds imaginé par David BOWIE, ni le jeu de l’oie, ni l’histoire d’une pauvre araignée suspendue au bout de son fil, ni, ni et ainsi de suite… C’est un exercice de style à deux personnages où deux pions, un dominé et un dominant doivent pendant un certain temps avant d’expirer ou de s’essouffler, se délester de leurs énergies affectives pour mettre à nu leur moi vibrant qui titille leurs méninges.
Le scénario est simple, un ange reçoit une jeune morte et lui fait passer des tests d’évaluation lui permettant de décider si celle ci est apte soit pour l’enfer, soit pour le paradis.
Pour une fois qu’on s’intéresse à elle, LA FEMME, qui ça on, L’ANGE, une créature du Bon Dieu ! De bonne grâce, la jeune morte, encore choquée par son accident, se résout à formuler quelques confidences sur sa vie à l’instigation de cet ange qui manifeste un malin plaisir à la déstabiliser pour lui tirer les vers du nez. La carotte c’est la sortie, avec une belle étiquette sur le front, gagnant ou perdant.
De toute évidence, Victor HAIM s’amuse dans cette valse du hasard où les régles du jeu sont pipées dès le départ par l’appréciation d’un juge attribuant de bonnes ou de mauvaises notes à la pauvre femme, suivant ses humeurs.
Qu’est-ce à dire sinon que tout un chacun est soumis au cours de sa vie au bon vouloir d’un quidam alors même que son destin est en jeu. Ainsi le poste où vous vous êtes porté candidat va dépendre de celui qui vous reçoit en entretien d’embauche, votre aptitude à travailler du visa du médecin de travail, votre réussite à un examen oral de l’indulgence ou sévérité d’une examinateur etc.
C’est révoltant mais c’est comme ça. Néanmoins, quelqu’un qui a un peu vécu, finit par entrevoir que la course d’obstacles d’une vie appelée désir, n’est pas tant déterminée par le bon vouloir d’un quidam que par le temps . L’être humain étant mu par une force du désir incontrôlable, il faut bien que la nature lui ménage quelques freins. Le maître mot c’est l’adaptation, la capacité d’adapter son moteur à son environnement. A ce propos, Victor HAIM – qui pourrait fort bien jouer le rôle de l’ange – fustige les lieux communs dans cette scène cocasse où la pauvre femme est obligée d’en vomir quelques uns pour redevenir propre.
Mais pourquoi donc l’ange s’intéresse t-il tant à cette femme ? Sans doute parce qu’immunisé par son immortalité virtuelle, il est touché par sa vulnérabilité, par le sentiment que quoiqu’elle dise sur sa vie, c’est la manière dont elle s’exprime qui importe, son ressenti qui échappe en réalité à tout jugement de valeurs.
Une sorte de chantage affectif s’instaure entre l’ange et la femme, le pompon de la bonne réponse ne servant qu’à exacerber le désir de la femme d’exister, d’affirmer son existence face aux dictats de cet ange énigmatique, une sorte de père idéalisé que toute fille dans ses fantasmes, encore un lieu commun, rêve de séduire.
L’ange interprété par Patrick COURTOIS à la mine chafouine, est aussi truculent qu’un moine défroqué, et la femme jouée par Marie DELAROCHE, frémissante de féminité, est très émouvante.
Sur scène, un empilement de valises usées jusqu’à la corde suggère la bonne pâte de nos bons vieux clichés sur les portes de paradis ou d’enfer . Aspect vieillot qui fait songer aux étiquettes effacées et humides qui résistent sur les bouteilles de vin en cave.
Mais c’est une bonne bouteille que cette valse du hasard . Il faut la goûter presqu’à jeun (vomir ses lieux communs) pour se laisser doucement gagner et enivrer par les vapeurs de la femme, juste le temps de croire voir passer un ange, assurément !
Paris, le 17 Janvier 2016 Évelyne Trân