Photo Dominique MARTIGNE
Ecriture, adaptation et mise en scène Stéphanie Chévara
d’après Roger Blin, souvenirs et propos recueillis par Lynda Bellity Peskine Scénographie Victor Melchy
Avec Morgane Bader, Françoise Boisseau, Gérald Cesbron, Laurent Collard, Barthélémy Goutet et en alternance les enfants Arthur Minthe et Théophile Pouillot-Chévara Lumières Stéphanie Chevara et Cédric Henneré Costumes Carine Grimonpont Maquillage Catherine Saint-Sever Régie générale Cédric Henneré et Stéphane Rosello
Production Compagnie Mack et les gars
Avec le soutien de l’Adami
Avec l’aide du Théâtre de l’Abbaye

Comment naissent les chefs d’œuvres qui seraient l’apanage du seul talent humain ? En vérité, lorsqu’on parle de chef d’œuvre à propos d’une création, c’est pour essayer de traduire une émotion aussi irrationnelle que celle d’un enfant découvrant pour la première fois un coquillage vivant au milieu du sable, par exemple ! Il y a des émotions plus parlantes que d’autres. Samuel BECKETT raconte qu’à la source d’ En attendant Godot, il y a ce tableau de Caspar David Friedrich qu’il a vu en 1937 en Allemagne « Deux hommes qui contemplent la lune ». Si nous ne connaissons pas le tableau, nous pouvons l’imaginer, nous pouvons passer au travers en prolongeant notre regard au delà, au dessus, ailleurs, de côté, vers la route inconnue où seulement deux hommes regardent la lune . C’est déjà du cinéma.
Chez beaucoup d’artistes, le prosaïsme côtoie le rêve, il en est même le ferment. A cet égard, l’aventure de la pièce En attendant Godot est éloquente. Samuel BECKETT avait écrit cette pièce, dit-il, pour se détendre en 1950 au lendemain de la guerre. C’est sa compagne Suzanne qui présenta la pièce à Roger BLIN qui eut le coup de foudre et entreprit de la mettre en scène. Aucun théâtre ne voulait de la pièce, les démarches durèrent 3 ans .C’est au théâtre de Babylone, au bord de la faillite, dirigé par Jean-Marie SERREAU qu’eut lieu la première mondiale d’ En attendant Godot.
Au delà de l’histoire, de la chronologie des événements, c’est l’atmosphère, les états d’esprit des différents protagonistes, que veut exprimer cette »Naissance d’un chef d’œuvre » de façon très fluide. L’histoire d’En attendant Godot, ce texte qui aurait pu finir dans un tiroir, c’est celle aussi de la rencontre entre deux hommes, très différents, Roger Blin et Samuel Beckett.
Leur collaboration ne fut pas fusionnelle. Samuel Beckett paradoxalement n’allait jamais au théâtre. Il a dû être passionnant pour lui comme pour nous spectateurs d’éprouver que la mise en scène d’une pièce est une création à part entière.
Tel le premier homme qui pose son pied sur la lune, Roger Blin a posé la première pierre de cette pièce, traduite depuis lors en 50 langues et jouée à travers le monde.
La mise en scène de Stéphanie CHEVARA, exemplaire par sa fluidité est de facture intimiste, impressionniste. De fait, nous ne quittons jamais la sensation d’être dans les coulisses d’un théâtre. Pour Roger Blin, théâtre et vie se confondent. Pour Samuel Beckett, l’espérance de vie d’une œuvre semble plus secrète. Roger Blin, quant à lui, à la fois acteur et metteur en scène, éprouve la pièce physiquement, corps et âme.
La scénographie opère une sorte de jeu de balancier avec une lampe qui descend par magie pour découvrir dans l’ombre des scènes tableaux qui semblent flotter dans le souvenir, la récréation du passé, dans un espace temps improbable un peu inouï . C’est assez curieux, ce temps fortuit d’une pensée, de toutes ces turbulences temporelles blotties dans le rêve comme dans un cocon, oublieuses d’un temps conjugué, aléatoires et revenantes.
C’est étrange, lorsqu’on se souvient que le thème d’En attendant Godot pour Samuel BECKETT parle du temps qui passe et d’un certain Godot qui n’arrive jamais.
La distribution des comédiens est excellente. Barthélémy GOUTET qui interprète Samuel Beckett plus vrai que nature, et Laurent COLLARD qui joue Roger Blin, très vif.
Du théâtre à taille humaine. Eh oui, comme une encoche sur les peaux mortes du théâtre de l’époque. La pièce a fait scandale parce que les personnages disaient « merde » et s’injuriaient. C’est à n’y rien comprendre mais ces allers et retours entre rêve et réalité auxquels nous convient ces vrais personnages BLIN et BECKETT, donnent le vertige. Oui, les deux hommes qui contemplent la lune, c’est eux. Merci à la Compagnie MACK ET LES GARS pour cette bouleversante projection !
Paris, le 1er Novembre 2015 Evelyne Trân
Excellente pièce
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