Dans le cadre du festival Novart 2015 de BORDEAUX – LORENZACCIO – Texte Alfred de Musset – Mise en scène Catherine Marnas – du 7 au 22 Octobre 2015 au TnBA -Théâtre du Port de la Lune –

novart bis

Lorenzaccio_05.10.2015_461Avec : Frédéric Constant, Vincent Dissez, Julien Duval, Zoé Gauchet, Franck Manzoni, Catherine Pietri, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon / Assistante à la mise en scène : Odille Lauria / Scénographie : Cécile Léna, Catherine Marnas / Lumières : Michel Theuil / Création son : Madame Miniature avec la participation de Lucas Lelièvre / Costumes : Edith Traverso, Catherine Marnas / Maquillage : Sylvie Cailler / Fabrication décor : Opéra National de Bordeaux / Production : Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / Coproduction : Maison de la Culture de Bourges / Avec la participation des Treize Arches – Scène conventionnée de Brive / Création le 7 octobre 2015 au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / Remerciements Alexandre Péraud

Crise de valeurs, déceptions, dégoût constituent la matière grise du personnage de Lorenzaccio, l’alter ego politique de Musset. Musset n’avait que 23 ans lorsqu’il entreprit d’écrire LORENZACCIO, en réaction aux événements qui venaient de se dérouler en France, la prise de pouvoir de Louis Philippe après les journées révolutionnaires de Juillet1830.

La pièce monumentale avec 36 tableaux, une centaine de rôles, fut publiée dans une revue « Un spectacle dans un fauteuil » mais ne fut pas représentée du vivant de Musset.

Pourquoi donc monter aujourd’hui LORENZACCIO même dans une version très allégée ? Pour Catherine MARNAS, ce personnage qui accomplit son vœu, tuer le tyran Alexandre, sans croire que son action aura l’effet escompté, la libération de Florence, témoigne d’une lucidité terrible, elle l’accule dans une solitude désespérée.

Ce désenchanté politique fait donc écho au sentiment de crise généralisé « aux bras morts » des politiques qui tournoient autour d’un tyran économique, sans ressort parce qu’ils n’ont plus d’idéal. Quels idéaux en effet au risque de soulever des ricanements peuvent s’affranchir des réalités économiques mondialistes ? Ceux qui s’accrochent aux soi-disantes règles du jeu n’ont pas d’autre contenance que de s’y complaire.

Lorenzaccio et en cela son geste est purement romantique se jette vivant dans un gouffre. Sa faille c’est la solitude, il eût du savoir qu’il n’est pas possible d’agir seul. Sa conscience exacerbée n’aura fait que tourner autour de lui-même. Incapable de compromis, son action est vouée à l’échec.

Il est néanmoins possible de tirer des leçons de l’échec de Lorenzaccio. Certes la position de Lorenzaccio est extrémiste, mais il a le mérite d’aller au bout de lui-même, et pourquoi ne pas le dire sa conscience individuelle est beaucoup plus parlante, plus humaine que tous les discours politiques de langue de bois. Souvenons nous de Daniel BALAVOINE qui interpellait François MITTERAND en lui disant que les jeunes n’en pouvaient plus ! Du passé déjà bien sûr !

Il n’est pas évident de faire le parallèle entre le règne du tyran Alexandre de Médicis, à Florence en 1537, et notre époque. Musset s’est beaucoup documenté pour l’aspect historique de cette pièce mais en vérité c’est son propre temps qu’il interroge, celui de l’arrivée au pouvoir de Louis Philippe.Il pointe du doigt la corruption politique, le machiavélisme des hommes de pouvoir dissimulés derrière leur homme de paille, tel Alexandre un débauché plus inconscient que méchant.

Le carnaval de la débauche d’Alexandre et ses amis pourrait bien passer pour une métaphore du carnaval des grandes manifestations électorales avec musique techno.

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Dans cette mise en scène, Catherine MARNAS a la main de velours dans un gant de fer. Le velours c’est la place donnée au personnage de la marquise voluptueuse, mais oh combien idéaliste interprétée par Bénédicte SIMON, étincelante. Le fer s’exprime notamment dans sa vision du personnage de Lorenzaccio qu’elle nettoie de son faste romantique à la Gérard Philipe, et qui devient incarné par Vincent DISSEZ à la fois plus mordu et sec en véritable animal politique.

Si le souffle romantique de Musset continue à vibrer dans cette mise en scène, ce n’est pas pour endormir les esprits, juste pour faire la balance avec cette ferveur qui émane de Lorenzacio en dépit de son accablement, un Lorenzaccio qui a l’autorité de son intransigeance, de sa droiture qu’il met au service d’un idéal. La flamme est haute mais elle respire encore !

Voilà une mise en scène très juste, réfléchie, qui interroge le cœur même du texte de Musset (la pièce mérite d’être lue dans son intégralité) de façon tonique mais refusant les effluves, avec une belle distribution.

Paris, le 19 Octobre 2015                 Evelyne Trân

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