Auteur : Fiodor Dostoïevski
Artistes : Jean-Paul Sermadiras
Metteur en scène : Olivier Ythier
Traduction André Markowicz
Scénographie et lumières Jean-Luc Chanonat Création sonore Pascale Salkin
Costumes Cidalia da Costa
Co-production La Fabrique du Pas Sage et Les Chercheurs de Lumière
P.S. : Jean-Paul SERMADIRAS et Olivier YTHIER étaient les invités de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » sur Radio Libertaire 89.4, le samedi 22 Août 2015 (à écouter ou en podcast pendant un mois sur le site grille des émissions Radio Libertaire).
Une apparition ! C’est l’attente qui précède l’apparition, vous n’y songiez pas, vous dîtes, non le soleil n’est pas là, il y a des nuages , et puis soudain, voilà le soleil !
Comment s’appelle t-il l’homme du spectacle, tiré d’une nouvelle de Dostoievski, sous titrée “Récit fantastique” nous le saurons pas . Et cela n’a pas d’importance, et c’est même rassurant de se dire que nous lecteurs, nous spectateurs, nous puissions écouter les confidences d’un homme sans savoir au juste qui il est. Le fait que cet inconnu se présente comme un être ridicule, oui c’est réconfortant ! Sauf qu’il faut oser, figurez vous, affronter le regard de l’autre et le sien, voilà une affaire qui peut prendre toute une vie. Le mythe de Narcisse à l’envers, un homme se regarde dans le miroir et au lieu de se trouver beau se trouve ridicule.
La sensation de ridicule ne tue pas ou du moins pas dans l’immédiat, elle permet de se tâter, de se pincer . Impression désagréable certes mais impression tout de même.Voilà en résumé les propos de cet homme : Je suis parti de rien , de cette sensation de n’être qu’un pauvre type parmi les pauvres types et pourtant j’ai une expérience extraordinaire à vous raconter. J’ai découvert la vérité de l’homme, j’ai retrouvé un sens à la vie, un jour, en tombant dans un rêve.
Les écrivains, les savants l’ont expérimenté, nombre de leurs trouvailles leur ont été soufflées pendant leurs rêves. Si l’homme en question tient tant à rapporter son rêve c’est qu’il y a trouvé des réponses inespérées à son manque d’appétit de vivre, à son dégoût de la vie. C’est Dostoievski qui se met en scène dans ce récit fantastique où deux et deux ne font pas quatre, ou l’équation du rien, du zéro, de l’idée du néant et de la mort ne suffit pas à éteindre sa foi en l’homme, le sentiment de pitié et d’amour qui le submerge lorsqu’il regarde un enfant.
Il ne peut être que ridicule cet homme qui rêve d’un monde où tous les hommes ne connaîtraient pas le mal, seraient vraiment innocents . Mais il existe ce monde, je l’ai rencontré, certes dans un rêve mais ce rêve ne fait il partie de ma vie, ici et maintenant ?
La voix de l’homme ridicule vient d’assez loin, elle est comme un cri de l’âme . De la cascade au ruisseau, les pensées, les mots s’y devinent, oui l’eau du rêve les traverse. C’est un courant assez extraordinaire.
Car l’excellent comédien Jean Paul SERMADIRAS est habité par le texte . A travers lui, nous entendons cet homme ridicule dire : Je suis un homme et je puis être être aussi beau qu’un arbre, une fleur, un enfant . Toutes ces pensées que j’exprime, en somme, parlent de la vie comme tout ce fourmillement d’ombres qui laisse passer le soleil.
Il y a quelque chose de magnétique chez le personnage, fort bien mis en valeur dans la mise en scène de Olivier Ythier. Cet homme est un lion en cage qui se bat contre les ombres que lui renvoie son inconscient « indomptable », pulsions de vie et de mort, mais l’ombre s’apprivoise au profit du soleil …
En tout cas, elle vibre à travers la voix de Dostoïevski, dans ce spectacle de rêve, véritable plongée dans le cosmos intérieur d’un homme ridicule !
Paris, le 8 Août 2015 Évelyne Trân