De : Sonia Nemirovsky
Mise en scène : Bertrand Degrémont et Caroline Rochefort
Avec : Grégory Barco, Suzanne Marrot, Sonia Nemirovsky, Pierre Constantin
Durée : 1h
Vol de vies humaines, vol d’hélicoptères jetant vivants à la mer les opposants à la dictature de la junte militaire en Argentine (1976 -1983), vol des morts à leurs familles puisque la plupart des victimes ont disparu sans laisser de trace.
L’héroïne du Vol de Sonia NEMIROVSKY était en train de vivre une belle histoire d’amour avec un garçon de son âge qui n’ignorait pas ses activités politiques. Du jour au lendamin, elle s’est évaporée. Il l’a attendue , longtemps. Une épreuve insupportable qui l ‘a poussé à quitter l’Argentine pour Paris.
L’histoire d’amour inachevée qui s’est interrompue en plein vol ne peut être cicatrisée. Comment l’Exilé peut il faire le deuil de la Disparue ? Et si le deuil n’est pas possible, alors il faut parler, bouger. Souvenons nous du formidable élan des mères de la Place de Mai qui ont dénoncé au risque de leurs vies, l’ignominie du sort réservé à leurs enfants disparus.
L’Exilé fait partie de ces individus déracinés, victimes de guerres, de conflits politiques, qui ont refait leur vie ailleurs, sans pouvoir parce que ce n’est pas possible, faire table rase du passé, des traumatismes . Il faut vivre avec le sentiment qu’un pan entier de sa vie antérieure a disparu, des gens, des odeurs, des souvenirs, des rêves.
Chez l’Exilé, c’est la figure de la bien aimée qui revient sans cesse. Dialogue entre une morte et un vivant ? Non, nous dit la narratrice, qui se met à la place de cette disparue, une humaine parmi d’autres, jeune, idéaliste, pleine de vie, amoureuse.
Pas évident de mettre en scène toutes les ambivalences de ce drame humain. Car il y a aussi ce besoin d’oublier. Comment vivre, en se souvenant la mort de l’âme, qu’en quittant son pays, on a du même coup “abandonné” sa compagne et ses proches.
La mise en scène s’attache à exprimer sobrement la confusion des sentiments. Il revient à la Narratrice – belle présence de Suzanne MARROT – de contenir tout ce flot d’émotions. Au talentueux plasticien Pierre CONSTANTIN aussi qui fait éclater au pinceau sur un drap en fond de scène, des sortes de torches à l’encre noire comme autant de pulsions de vie . Son pinceau fulgurant trace en plein vol.
La Disparue interprétée par Sonia NEMIROVSKY parait plus passionnée que l’Exilé, Grégory BARCO, plus en retrait. Cela tient sans doute au tissu déchiré de leur histoire mais peut être aussi parce marqués par les personnages de Roméo et Juliette, nous ne pouvons nous empêcher de rêver à l’union de l’Exilé et la Disparue.
La Disparue a un côté pasionaria, femme de tête, et l’Exilé quelques réminiscences d’Hamlet. Un jour peut-être Sonia NEMIROVSKY leur donnera des noms. En plein vol, sa pièce témoigne des turbulences de la vie de façon sensible et réfléchie, avec beaucoup d’émotion.
Paris, le 22 Juillet 2015 Évelyne Trân