Auteur : Blaise Cendrars
Artiste : Jean-Quentin Châtelain
Metteur en scène : Darius Peyamiras
PS : Jean-Quentin CHATELAIN était l’invité en 1ère partie de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE »sur Radio Libertaire 89.4 , le Samedi 9 Mai 2015 (en podcast sur le site de Grille des émissions de Radio libertaire).
Blaise CENDRARS à livre ouvert, oui sur scène, qui revient détrempé d’un fulgurant voyage, nous faire le récit d’une de ses aventures à Naples où il trouva asile dans le tombeau de Virgile. C’est plus qu’une découverte, c’est une révélation.
Qu’un livre puisse être vivant, nous ne l’imaginions pas à ce point. Jean-Quentin CHATELAIN devient ce livre ivre, étourdissant bateau ivre de Rimbaud, qui fouette et scrute l’avenir, debout et dehors, le ventre nu, sur quelques feuilles de vie éparses, de chair fumeuse, inimaginable.
Blaise CENDRARS n’est pas un enfonceur de portes ouvertes, il est toujours là en train de s’exposer, c’est un bourlingueur mais pas seulement, jouissant de son corps comme d’une planche abrupte « Je bois, je mange je fume » dit-il et il invite ce corps à se saisir de ces outils les plus irréductibles, les mots, à couler dans une chair émue, animale, qui se frotte à tout œil.
C’est une aventure impossible que celle de pousser la porte de l’enclos de l’enfance « Il ne faut jamais revenir au jardin de son enfance qui est un paradis perdu » Sait on ce que concoctent à notre insu les souvenirs, et si la mémoire n’était qu’un animal fabuleux, monstrueux ? Chez Blaise CENDRARS, les fantômes n’existent pas, il rencontre toujours la vie. Elena surgie de ses amours enfantines, est vivante et lui l’écrivain n’agite son bâton de sourcier, son épine d’Ispahan, que pour faire traverser les gens qu’il aime sur son chemin. Et d’une certaine façon, ce sont eux les tisserands de ses vagabondages.
Telle une table gourmande dans un bar s’imprègne des odeurs, des sueurs, des cris, des paroles de tous les clients, la planche d’écriture de Blaise CENDRAS fourmille de conversations, d’histoires à couper le souffle, qui courraient sous une main tremblante, frémissante, toujours aux aguets.
« Laissez venir à moi les souvenirs » semble dire l’homme qui parle debout au centre d’un cercle en bois comme un animal de foire .
L’homme qui rumine, mâche ses mots, comme il dégusterait une cuisse de poulet ou enfoncerait ses dents dans une mangue juteuse, fait penser à l’ogre Pantagruel mais son visage est illuminé bizarrement par une sorte de grâce enfantine. Il y a cette fleur coupée, indicible, certes invisible qui se penche entre ses lèvres, qui caresse l’air, qui s’appelle la poésie…
Darius PEYAMIRAS avec une mise en scène à brûle pourpoint, audacieuse par son économie, devient l’hôte de cet incroyable bourlingueur fascinant, pourvoyeur d’histoires vraies et monstrueuses dont regorge la vie pour peu qu’on aille la surprendre, la chatouiller au cœur de sa toile d’araignée.
Jean-Quentin CHATELAIN est tout simplement magnifique, grâce à lui, nous pouvons dire que nous avons rencontré et même connu Blaise CENDRARS, en chair, en os, en pleine santé au Grand Parquet .
Paris, le 8 Mai 2015 Evelyne Trân