PS : Véronique ROS DE LA GRANGE et Jacques MICHEL étaient les invités de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE »sur Radio Libertaire 89.4 , le Samedi 25 Avril 2015 (en 1ère partie et en podcast sur le site de Grille des émissions de Radio libertaire).
Le plaisir comme organe au théâtre ! Il est évident que Jean-Luc LAGARCE a mis beaucoup de lui-même dans le soliloque de cette vieille actrice qui n’a pour d’autre interlocuteur que le fond d’une salle de théâtre « vide ».
Cauchemar ou rêve d’une artiste qui s’imagine toujours assise sur un tabouret face au public.
La scène n’est pourtant pas une page blanche.Mais l’écrivain sait qu’en levant son stylo, il commence à jouer. Il descend sur la page de la même façon que l’artiste entre en scène.
L’artiste de la pièce Music-hall n’a qu’un rôle à jouer, le sien. C’est le rôle de sa vie en somme, c’est celui de toute sa vie. Alors, elle la raconte comme elle fouillerait son propre corps, toutes les poches de sa mémoire.
Elle se brûlerait la cervelle plutôt que de ne pas jouer, elle a dans la peau tous ses partenaires réels ou imaginaires, elle a dans la peau un vieux tabouret qui la suit partout comme un chien.
L’écriture de Jean Luc LAGARCE vibre comme ce tabouret miracle prodigieux , elle troue le papier, vive et contemplative à la fois.
Elle connait le plaisir surtout . Le bonheur de s’exhiber, c’est quelque part le bonheur de la découverte de soi. Sur scène, un acteur chasse son identité pour devenir un ou une autre. Il se transforme qu’il le veuille ou non.
C’est peut-être cette idée de transformation qui a conduit la metteure en scène Véronique ROS DE LA GRANGE à faire interpréter cette artiste par un comédien.
Avec Jacques MICHEL, nous pénétrons dans l’intimité de ce personnage de façon saisissante. Cette femme parle à la fois au-dedans et au dehors, pour aboutir à une sorte de fusion existentielle entre rêve et réalité car sur scène rien n’est impossible.
Le sentiment de réalité, cruel, elle le manifeste physiquement, verbalement, mais elle tient le cap portée par une chanson de Joséphine BAKER « De temps en temps » sorte d’écrin enchanté de sa vie d’artiste.
Sous les traits de Jacques Michel, l’actrice hors temps,est toujours en piste, elle brûle les planches, elle fait penser à ces déesses indiennes à plusieurs bras qui embrassent l’invisible . C’est un bouleversant manifeste de création qui éperonne le désir des comédiens quoiqu’il arrive. Jacques MICHEL ne surjoue pas, il joue et c’est ce bonheur de jouer comme cette vieille actrice qui intrigue le spectateur tant il est vrai que la créature interprétée par Jacques MICHEL, remarquable, a du panache. Bien que cabotine et sûrement insupportable, la vieille actrice laisse perler son âme en peine sous son fard, elle nous émeut.
Paris, le 25 Avril 2015 Evelyne Trân