Avec Bruno Cadillon, Gérard Chabanier, Juliane Corre, Jean-Marc Culiersi, Valérie Durin, Serge Lipszyc, Sylvain Meallet, Lionel Muzin, Henri Payet
Scénographie Sandrine Lamblin – Costumes Anne Rabaron – Lumière Jean Louis Martineau
Dans la salle en pierre de l’Epée de Bois, un objet insolite, d’une grande beauté, intrigue tous les regards. Il fait penser à une sorte d’insecte géant de l’espèce des libellules, figé dans le temps par suite d’une tempête. Il s’agit en réalité d’un bateau échoué de l’époque Elisabéthaine, dont les voiles se dressent encore.
La Nuit des Rois, mais pourquoi donc ? Parce que c’est la 12ème nuit de Noël, l’épiphanie qui commémore l’arrivée de rois mages, un jour de fête célébré dans toute l’Europe, où l’on se travestissait comme au carnaval. Cette pièce fut jouée à la cour d’Elisabeth 1ère, le 6 Janvier 1601, soit plus de 4 siècles avant notre ère.
Il faut le souligner parce qu’étonnamment, cette pièce respire la jeunesse et la fantaisie, un véritable festin pour le cœur et l’imagination, avec en ligne de mire l’amour, sous toutes ses formes ou derrière tous ses masques.
Par jeux de miroir, redoublés, des chemins de traverse romanesques, surprenants, les personnages jouent à cache à cache avec l’amour, cet amour qui finit par exploser, en dépit des apparences souvent trompeuses.
A l’époque d’Elisabeth 1ère, les femmes n’avaient pas droit à la scène, de sorte que leurs personnages étaient joués par des hommes. Le metteur en scène se fait un malin plaisir de respecter la tradition et va plus loin encore …
Sachant que chaque humain porte en lui aussi bien des composantes féminines et masculines, il suffit d’adapter son regard à la situation. Qu’est ce qui est le plus important en somme, le rôle que joue Olivia dans la pièce ou son aspect physique ?
C’est son rôle qui est déterminant, bien davantage que son physique. En vérité, Shakespeare suggère qu’il n’y a pas tant de différence entre l’homme et la femme. Les conventions ont creusé cette différence, pour le pire et le meilleur, allez savoir.
Quel bonheur de voir jouer une femme par un homme, de façon naturelle, sans affectation, nous voilà bien loin de la « Cage aux folles », Bruno Gadillon excelle dans le personnage d’Olivia.
C’est l’esprit de la farce qui domine dans cette pièce mais délayé tout de même par des personnages qui ont la droiture de leurs sentiments, capables de grandes envolées poétiques et de pensées très philosophiques.
Il ne faut pas chercher d’autre intrigue que celle de l’amour qui tisse contre vents et marées sa toile, histoire de se laisser porter comme de vrais aventuriers naufragés, par cette pièce qui pétille de fraicheur, qui regorge de traits d’esprit.
Et les comédiens libèrent tout ce charme, à cœur joie, sous la houlette du facétieux metteur en scène Serge Lipszyc.
Paris, le 12 Mai 2013 Evelyne Trân