NE LE DITES A PERSONNE, poème dédié à Vincent JARRY, suite à une promenade à ARCUEIL
NE LE DITES A PERSONNE Improvisation musicale Michel SEULS, KEI YOSCHIDA, TIM LAZER (Emission DEUX SOUS DE SCENE Radio libertaire du 6 Octobre 2012)
Ne le dîtes à personne,
J’habite un livre
Comme un point sur un i
Au-dessus de l’océan.
un de ces livres, voyez-vous,
Déniché à la brocante,
Poussiéreux et humide,
À peine défloré,
Qui rumine en silence
Tout en semblant dormir.
Un livre troué par la lisière
Des jours endormis
Dont on se débarrasse à la mort de
De son propriétaire.
Un des ces livre inouïs, croustillants d’odeurs,
De feuilles mortes,
Qui escalade les murs, et n’a plus de virgules,
Affranchi au bord des lèvres d’un poète,
Aussi fier qu’une maison spectacle
Aux fenêtres murées, sans paupières, ni porte,
Qui traverse la rue, toujours incognito.
Ne le dîtes à personne,
J’habite un livre en cloques, démesuré,
Troué de toutes parts,
À l’encre transparente des ruelles transpirantes
À l’entrevoyure d’une porte d’église, un livre
Dont je descends les marches chaque jour,
En dormant, qui tient lieu de lunettes à mon aveuglement,
Sans domicile fixe, précipice d’une torche en plein océan,
Qui n’a pas l’air sérieux,
Sec comme une branche posée sur les genoux.
Un livre qui laisse échapper tant de soupirs
Que ça n’est pas convenable.
Ne le dîtes à personne,
J’ai élu domicile sous la page d’un livre
Jouet de la lumière, du vent et de la pluie,
Intimité oblige.
Un livre déchu, abandonné, laminé, sali,
Qui ne fait pas d’histoire
Qui s’est donné,
Pour n’être qu’un point de mire
De ton apparition,
Oh lecteur invisible !
Evelyne Trân