Fureur de Victor Haïm avec Victor Haïm au Petit Hébertot, jusqu’au 6 Mars 2011

affiche_haim_mini_defbis.1298910785.jpg Mise en Scène de Xavier Jaillard
Du mercredi au samedi à 19 Heures et le dimanche à 15 Heures
P. S : VICTOR HAIM était l’invité de l’émission « Deux sous de scène » Samedi 19 Février 2011 que vous pouvez écouter et télécharger pendant une semaine sur le site de Radio Libertaire (Grille des émissions)

L’autre jour sur le quai du métro, cette fameuse ligne 13, nous étions quelques usagers à scruter patiemment le bout de nos chaussures lorsqu’est arrivé en trombe un individu hurlant à tue tête « Vous n’avez pas vu Marie, cette salope ? » Et tandis que le bonhomme continuait à raconter son histoire, une averse de mots, sans queue ni tête, nous sentions rougir le vase en porcelaine qui exprime en bouquet toujours la même face, et nous nous surprenions à rêver qu’au lieu de poser pour une nature morte, nous devions profiter de l’occasion pour rire sous cape, et tout en esquissant un sourire prudent « Quel toqué celui là » nous réjouir finalement de cette diversion spectaculaire et terrible.

Une goutte d’eau de verbes éméchés qui ne ferait pas déborder le vase de notre misère quotidienne, mais favoriserait l’élongation de quelques sketches à la Coluche, de grimaces à la Louis de Funès, nous pousserait même à boire l’eau du vase qui a stagné pour dégourdir notre sang impitoyable.

Victor Haïm, acteur et compositeur ne se paie pas de mots, il découvre le bonheur de jouer un chef d’orchestre comme un enfant. Il se sert de son texte comme d’un paillasson pour nous en faire respirer la poussière devant un public imaginaire mais infaillible.

Nous assistons à l’histoire d’un bout de sparadrap, qu’on vient de scier au bout de son rouleau, un infime bout de sparadrap qu’on imagine sale, veule, et qui porterait la carte d’identité, carte géographique, code génétique, code à barres de n’importe quel individu. Mais un bout de sparadrap qui baille, qui éprouve soudain la liberté de dire, dire tout ce qui lui passe par la tête, devenue furieuse parce qu’elle vient d’être sciée et qu’elle sait,
se souvient comme Fernandel ‘ « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ». C’est aussi ridicule et obscène que cela, la révolte d’un quidam qui assure qu’il est un personnage pris au piège de la colle du pansement et qui hurle pour laisser entendre sa hargne, étouffée pendant des lustres. Un personnage aussi pitoyable que l’employé du sous-sol de Dostoïevski, grotesque, qui tirerait en vain les larmes d’un idéal enfoncé dans la vase.
Si nous découvrons le pouvoir qu’ont les mots de rejaillir à travers notre bouche, pour nous rendre ridicules, il faut les remercier, ces mots au bout d’une canne à pèche, grouillant comme des petits monstres, capables de chatouiller les peaux mortes de l’épiderme. Faire pousser une insulte, oser sortir un mot n’est ce pas, « Mais cachez donc ce sein que je ne saurai voir ! » s’exclame Tartuffe.
A l’arrivage, les mots ne sont plus comme des poissons dans l’eau, il revient au poissonnier d’assister à leur mine piteuse sur l’étalage et aux clients de les acheter pour les manger. C’est prosaïque, une leçon de choses pour bambins de l’école primaire.
Très intéressant, des mots tout crus. Ca sent le collier des mouches crevées que la comtesse de Ségur accrochait au cou de la vilaine Sophie.

Victor Haïm est un très bon acteur, doublé d’un auteur indomptable. Le personnage est créé, il lui reste à prendre la patine du temps pour faire palper davantage l’inquiétude, les éraflures, d’un sparadrap exaspéré qui prend Beethoven pour témoin de son décollement expansif.

Victor Haïm, chef d’orchestre de voix blessées, sous le masque de la fureur. C’est un petit périple auquel s’associe très heureusement la mise en scène tout en veilleuse de Xavier Jaillard. Un voyage poignant qui nous donnerait l’envie d’ouvrir une porte dans le mur qui borne la scène et même de répondre, nous spectateurs, aux invectives de ce monstre.

Paris, le 12 Février 2011

Evelyne Trân

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