En attendant Godot de Samuel Beckett – Mise en scène Alain Françon du 21 mars  au 8 avril 2023 à LA SCALA -13, boulevard de Strasbourg 75010 Paris.

DISTRIBUTION

Avec : Éric BergerPhilippe DuquesneAntoine HeuilletAndré MarconGilles Privat

Attendez-vous Godot ? Etes-vous assez niais, niaise pour surenchérir : Oui, oui, j’attends Godot et de pied ferme encore !

Beckett aurait écrit En attendant Godot pour se détendre au lendemain de la 2ème guerre mondiale. Le contexte a son  importance mais 70 ans après sa création, une nouvelle mise en scène suscite toujours une attente.

 Celle d’Alain ALAIN FRANÇON s’attache littéralement au texte. C’est lui qu’on entend servi par la diction impeccable des comédiens. Faut-il s’étonner de la résonance  dans une salle de théâtre de phrases aussi ordinaires que : Nous nous ennuyons ferme, c’est incontestable.

Oui, on peut faire la littérature avec des mots de tous les jours. Mais qui s’écoute vraiment parler ? Au théâtre ce n’est pas pareil, on est obligé de s’entendre, enfin on est venu pour ça !

Il y a en fond de scène une grande toile sombre d’un froid esthétisant qui contraste avec la chair des personnages dépenaillés, Vladimir et Estragon. L’un d’eux soupire : Encore une journée de tirée !

En tant que spectatrice, j’avoue avoir envie alors de m’échapper du texte. Tant pis ou tant mieux pour moi. A chacun, chacune sa lagune. Ce cher Beckett me donne parfois l’impression de soupeser la toile d’araignée juchée au plafond. L’ennui qui se cristallise à hauteur de plafond. Et pourquoi pas si du mortel ennui peut jaillir encore quelque chose. Le défi est énorme et il ne s’agit tout de même pas de renverser l’encrier. Toute encre bue par le buvard, que resterait-il ?

Tout le monde connait l’histoire. Deux clodos dans un endroit désert où seul un arbre desséché semble leur adresser un geste, devisent avec philosophie pour passer le temps. Ils paraissent ne rien attendre de la vie ni même des autres hommes. Et pourtant il faut bien se raccrocher à quelque chose. Que vaut ce Godot qu’ils attendent dans le fond pour justifier leur surplace, leur inaction, leur rien à foutre.

Godot en argot se rapproche du mot godasse. Aussitôt me reviennent en mémoire les souliers peints par Van Gogh et les semelles au vent de Rimbaud. Que ferait-on sans la culture et tous les aphorismes qui meublent la tête ?

Exit la culture. Reste la tendresse qui se dégage des échanges entre Vladimir et Estragon. Elle est irremplaçable. Beckett choie ses personnages même quand ils sont odieux comme Pozzo vis-à-vis de Lucky qu’il tient en laisse.

Le public voyeur peut comprendre que ces gens-là nous font signe à travers un tableau, une mise en scène, quelques pensées qui tombent à plat ou pas par leur seule présence à un moment donné et prendront sens quand nous nous en souviendrons, lequel ?

Les comédiens sont remarquables qui nous réconcilient grâce à leur gouaille avec nos instants dépressifs. Il y a le mot espoir dans désespoir disait Léon FERRE. Beckett ne fait pas la morale, il appuie sur les mots comme sur des sonnettes. A la cour de récréation d’En attendant Godot, 2 clodos (ça rime) et la lune !

Le 4 avril 2023

Evelyne Trân

Article également publié dans le Monde libertaire.fr

https://www.monde-libertaire.fr/?articlen=7151&article=Le_brigadier_dans_la_salle_dattente

En attendant Godot, de Samuel Beckett (Editions de Minuit). Mise en scène : Alain Françon. Théâtre La Scala, Paris 10e, jusqu’au 8 avril. Puis au Domaine d’O, à Montpellier, du 12 au 14 avril ; au Théâtre national de Nice, du 3 au 5 mai ; à La Scala Provence, à Avignon, du 7 au 29 juillet.

Laisser un commentaire