Votre Maman de Jean-Claude GRUMBERG au Studio Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles – 75017 Paris – Du 27 septembre 2022 au 19 avril 2023 – Le mardi à 21 H, le mercredi à 19 H.

Photo.D.R.

De Jean-Claude Grumberg
Mis en scène par Wally Valerina Bajeux
Avec Marc F. Duret, Jean-Paul Comart, Colette Louvois et en alternance Titouan Laporte, Morgan Costa Rouchy, Mathis Duret

Elle est tout de même terrible cette expression « Votre maman » par tout ce qu’elle sous-entend, par le poids qu’elle représente pour celui ou celle qui la reçoit, qui doit faire un bond dans sa lucarne et sans doute ne peut s’empêcher de penser « Mais de quelle maman me parle cet étranger, la mienne, la véritablement mienne, ou celle qu’il perçoit de toute façon comme une patiente, une malade, une vieille femme parmi tant d’autres ».

Jean-Claude GRUMBERG dit que cette expression, on l’entend journellement dans les maisons de retraite médicalisées.  Dans la pièce éponyme qu’il a écrite, elle provoque immédiatement la mauvaise humeur du fils qui vient rendre visite à sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Le fils a donc beaucoup de mal à supporter le directeur qui ne connait rien de sa mère et entend se dédouaner des différents problèmes que pose la patiente en demandant instamment au fils d’intervenir. Voilà donc le fils responsable des agissements  de sa mère comme un parent de sa progéniture.

De toute évidence le fils et le directeur ne sont pas sur les mêmes longueurs d’ondes. Ils entretiennent un dialogue de sourds, plutôt cocasse et tandis que le directeur manifeste son exaspération face aux caprices de la vieille dame, le fils lui n’a qu’un seul désir, la retrouver même si elle ne le reconnait pas.

La relation entre cette mère et ce fils est extrêmement touchante. Le fils ne cesse de la sonder. Certes la vieille dame n’a plus la notion du temps mais le fils découvre que ce qu’il y a de plus profond en elle ne l’a pas quittée, notamment son amour pour sa propre mère que dans « son délire » elle attend toujours.

Colette LOUVOIS campe une vieille dame charmante dans son rêve éveillé. Il est vrai qu’elle n’a plus aucune inhibition. Elle donne des coups de parapluie à la voisine qui l’importune, elle se moque des employés qui effectivement ont l’air de pantins – ils ne communiquent qu’à coups de sifflets -, elle dit à son fils qu’il pue etc… Mais elle est toujours pleine de vie.

Jean-Claude GRUMBERG évoque à mots couverts la déportation. C’est ce souvenir traumatique qui resurgit chez cette dame mais personne à part le fils ne peut le comprendre.

Le sujet est grave mais l’auteur entend justement apporter sa touche de poésie et de rêve qu’exprime lumineusement l’interprétation de Colette LOUVOIS.

La mise en scène de Wally VALERINA BAJEUX est sobre et suggestive et la distribution épatante.

A beaucoup de moments, il est possible de se croire dans une pièce de Feydeau et puis soudain on pense à Tchekhov en raison du caractère très intimiste des conversations entre le fils et la mère. On a l’impression de naviguer à vue, porté.es soit par le rire, soit par l’émotion.

Il s’agit aussi d’une pièce sur les difficultés de communication. Bien que cela ne soit pas exprimé de façon ostentatoire, il faut imaginer le bouleversement intérieur du fils que sa mère ne reconnait plus.

Ce n’est qu’en fin de représentation et le bruit de l’océan que la voix de Jean-Claude GRUMBERG s’élève :

« Quand la dernière survivante aura rejoint les siens dans le ciel de Pologne nous laissant seuls avec pour héritage sa chancelante mémoire, qu’en ferons nous, nous les orphelins ».

Le 17 Janvier 2023

Evelyne Trân

N.B : L’article a été initialement publié dans Le Monde Libertaire.fr

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