Lecture en espace « Les Mémoires Invisibles (ou la part manquante) » de Paul Nguyen au MUSÉE DES ARTS ASIATIQUES 405 Promenade des Anglais – Arenas 06200 NICE le samedi 04 Juin de 15 H 30 à 17 H.

Paul Nguyen, metteur en scène et comédien, s’est un jour lancé dans une enquête sur sa famille vietnamienne dont il ne connaissait que très peu l’histoire. Au cours de son enquête, il rencontre Brigitte Macadré, auteure, elle aussi de père vietnamien, et dont il partage de nombreuses interrogations. Ensemble, ils décident de plonger dans ce passé trouble et plein de fantasmes. L’enquête dure deux ans.

Après maintes rencontres et de nombreuses recherches, l’enquête suscite beaucoup plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Avec pour toile de fond l’Indochine et l’indépendance du Vietnam, le texte né de ces échanges mêle enquête personnelle, réalité historique, fantasmes mis en scène ; le mythe se mêle à la réalité et embarque le spectateur dans un récit à tiroirs où la vérité n’est jamais celle que l’on imagine. Les protagonistes explorent cette période délicate de la décolonisation, et à travers le prisme de leur histoire familiale, s’interrogent sur leurs identités métissées et sur les non-dits de la transmission.

Avec Angélique Zaini et Paul Nguyen

Son et technique : Néry Catineau

Durée : 1 heure 15

Photo E.T.
Ces photos de familles forment un bel arbre !

Aller vers le public, se tourner vers la scène pour faire le récit d’une quête intime, celle d’un homme qui se sait aiguillonné par le passé de ses aïeux où les guerres et l’exil sont devenus « des mémoires invisibles ». Il faut se coller au mur de l’invisible, imaginer surprendre un papillon frôler l’arbre fantastique de la mémoire de tous les anonymes qui auraient à cœur de raconter leur corps d’Asie et d’Europe, ayant toujours à l’esprit cette distance géographique, 10.000 Km du Vietnam à la France à vol d’oiseau. Au siècle dernier dans les années 40, il fallait parfois un mois en paquebot pour la franchir. Cela donne le vertige…  

Il y aurait une identité d’eurasien-ne, mais elle ne s’entend guère. Par ailleurs que l’on soit issu d’un couple mixte franco-vietnamien, ou pas, la notion de double culture ne peut s’appliquer à toute personne d’origine asiatique née en France. C’est d’ailleurs là où le bât blesse, le facies ne définit pas la culture, la sensibilité ou l’intériorité d’un individu, il est posé comme un masque, un signe parmi d’autres comme la couleur de peau ou des yeux.

L’histoire que raconte Paul NGUYEN est toute personnelle, car de toute évidence c’est une aventure que celle de partir en quête de ses origines en se projetant sur la figure d’un aïeul quasi inconnu lequel, ce n’est pas un hasard, est prénommé Paul.

Dans toute histoire familiale il y a des trous, des non-dits et la transmission d’un ancêtre à ses descendants ne peut aller au-delà de la 3ème génération, à fortiori lorsque cet ancêtre a voyagé, que l’Indochine a disparu ainsi que les archives.  

Mais le personnage que Paul Nguyen met en scène ne veut pas renoncer à sa quête « impossible » et il continue à fantasmer sur cette part de Vietnam en lui.  

Le regard de l’autre l’a renvoyé à son facies qui porte les traces d’un pays effacé, le Vietnam. Paul fait penser à Hamlet quand il dit « Quelle place ici, là-bas, ni ici, ni là-bas, partout, nulle part.  Il parle de « déracinement profond, d’enracinement raté ».

Les psychologues disent que les séquelles traumatiques se transmettent de génération en génération. Paul pense que » le corps n’oublie pas, il garde les douleurs anciennes, il transmet le souvenir de la guerre à ceux qui ne l’ont pas vécue. Il maintient le lien. »

La quête d’identité qu’exprime Paul Nguyen a un rapport avec sa sensibilité et son appréhension du monde et ce qui est intéressant c’est qu’elle met le doigt sur cette part d’inconnu que tout individu peut éprouver en lui-même dès lors qu’il s’interroge. Aussi bien, on pourrait penser à CAMUS qui enquête sur son père inconnu mort à la guerre de 14/18 dans son livre posthume Le premier homme.

Dans cette lecture en espace Paul dialogue avec Brigitte, elle aussi de père vietnamien. L’un et l’autre se questionnent. A l’intériorité de Paul répond la vivacité de Brigitte.

Une très belle lecture, passionnante de bout en bout. Avec la perspective de nouvelles dates du spectacle. A suivre…

Le 20 Juin 2022

Evelyne Trân

Article initialement publié sur LE MONDE LIBERTAIRE.NET

https://www.monde-libertaire.fr/?article=Le_brigadier_se_fait_faire_la_lecture

N.B : la pièce a été représentée à la Gare Franche de Marseille le 15 Octobre 2021.

https://www.lezef.org/fr/saison/21-22/memoires-invisibles-ou-la-part-manquante-623

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