SORCIÈRE – Textes de Marguerite DURAS -Mise en scène Stéphan DRUET -Avec Macha MÉRIL au Théâtre de Poche-Montparnasse – 30 représentations exceptionnelles du 15 Septembre au 18 Octobre 2020 – Représentations du mardi au samedi 19 h, dimanche 15 h –

Textes de Marguerite DURAS
Mise en scène Stéphan DRUET
Musiques Michel LEGRAND
Avec
Macha MÉRIL
Lumières, François Loiseau

Entrer dans la forêt de Marguerite Duras, pieds nus ce n’est pas un exercice pour Macha Méril mais un exploit, exploit dans son sens le plus humble, peut-être ce sentiment d’avoir réussi le saut vers l’inconnu.

Il y a toujours cet inconnu qui rôde dans l’univers de Marguerite Duras. La sorcière est-elle celle qui jette un sort ? Il y a ce rapport intime avec les mots, insaisissable ; ils peuvent aussi bien paraître lourds lorsqu’on les soulève qu’inattendus lorsqu’il faut les lâcher sans se soucier des malentendus. N’est-ce point l’intention qui compte ?
Dans le spectacle, ils font penser à des feux follets qui vous mordent les chevilles et pourraient vous faire danser comme Macha Méril dans une forêt heureuse et magique.
Des mots donc, des phrases lâchées qui deviennent une nébuleuse avec pour fil rouge le mot sorcière à connotation tapageuse. L’écrivaine a écrit pour la revue « Sorcières ». Il faut jeter un sort au mot sorcière, rappeler ce qu’il évoque et qui il désigne.

Poings serrés qui se détendent au fur et mesure pour dire ces émotions propres aux femmes, la perte d’un enfant, les humiliations que des hommes infligent aux femmes parce qu’elles sont des femmes et puis les échappées belles de celle qui regarde mourir une mouche, raconte une recette de soupe aux poireaux, et comment, elles, les sorcières ont commencé à parler aux arbres en l’absence des hommes partis à la guerre ; enfin le rappel d’instants d’enfance enchantée au Vietnam « on est le même corps étranger ensemble soudé fait de riz et de mangue… ».


La musique sensuelle fleurie de Michel Legrand exprime « une joie d’exister sans recherche de sens… en inventant des solutions personnelles à l’intolérable du monde ».
Redevenir paysage dans l’esprit de Duras, l’esprit de la forêt, être femme dans l’invisible nuit, la scruter cette nuit en se rappelant qu’on est femme après tout, choisie par la forêt, un instant prodigieux, enchanté, délivré. S’inventer femme avec cette douceur perméable de celle qui entend revenir à la source, se dit femme non pas seulement à travers le regard de l’homme mais à travers son corps indéfinissable, jouissif et libre.

Le spectacle suggère tout cela et nous aimons cette femme que nous ne connaissions pas, une femme qui témoigne pour les femmes, celles qui ont préféré être désignées sorcières et ont tenu tête aux mâles et à cette invention de la virilité qui ignore la féminité des hommes, en soi, une autre gageure.

Il faut toujours oser regarder à travers la forêt aussi obscure soit-elle car il n’y a pas d’autre issue que celle de l’apprivoiser, et l’entendre et l’écouter comme nous l’avons fait au cours de ce spectacle si gracieusement incarné par Macha Méril.

Eze, le 2 Octobre 2020

Evelyne Trân

Article précédemment publié dans le MONDE LIBERTAIRE

https://www.monde-libertaire.fr/?article=le_brigadier_et_la_SORCIERE

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