TEXTE + MISE EN SCÈNE=Jean-Pierre Bodin + Alexandrine Brisson + Christophe Dejours
COMPAGNONNAGE=Jean-Claude Fonkenel + Jean-Louis Hourdin
RÉALISATION, IMAGES & MONTAGE : Alexandrine Brisson
TOURNAGE : Pierre Befve, Alexandrine Brisson
MONTAGE et CONCEPTION VIDÉO : Gyomh
CONSEIL MULTIMÉDIA : Martin Rossi
MUSIQUES : Bach, Mendelssohn, Schubert, Carbon Killer
LUMIÈRES et RÉGIE GÉNÉRALE :Philippe Terrasson
RÉGIE VIDÉO & SON : Stéphane Comon
CONSTRUCTION : Nicolas Forge
N.B : Jean-Pierre BODIN était l’invité de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » en 2ème partie sur Radio Libertaire 89.4 en podcast ci-dessous, le samedi 28 Décembre 2019.
Les PDG de France Télécom viennent, après de longues années de procès, d’être reconnus coupables de harcèlement moral ayant provoqué une vague de suicides d’employés dans l’entreprise. Le spectacle « l’entrée en résistance » qui a lieu en ce moment au théâtre de la Reine Blanche rassemble un artiste comédien metteur en scène Jean-Pierre BODIN, une musicienne Alexandrine BRISSON et un chercheur Christophe DEJOURS qui ont décidé d’entrer en résistance contre cette catastrophe qui menace tous les individus la déshumanisation du monde de travail.
Travailler devrait être un bonheur et non synonyme d’esclavage. Pour ma part, j’estime que le travail c’est comme le manger et le boire, c’est vital. Mais la notion de travail s’est tellement dévalorisée au profit de la notion de rentabilité, de productivité que nombre d’individus s’éprouvent condamnés à travailler pour vivre et enrichir leur entreprise sous le joug d’actionnaires qui ne s’intéressent nullement à la qualité du travail fourni. Si l’argent tombe dans la caisse tout va bien et cela seul compte.
Les managers et les directeurs des ressources humaines sont probablement dopés par leur sentiment de supériorité sur la masse salariale. Après tout, oui cela va de soi, une entreprise n’a pas de vocation humanitaire ou caritative.
Pour comprendre que la notion de rentabilité balaie toutes les valeurs d’épanouissement du travail, les initiateurs du projet de résistance ont effectué « un travail d’enquête et de collectage auprès de salariés, syndicalistes, juristes, médecins du travail, chercheurs, et de forestiers qui nous ouvrent les portes de leur bureau magnifique : la forêt ».
Le spectacle débute par le témoignage d’un garde forestier heureux de transmettre une forêt en bonne santé et d’effectuer « un travail vivant » Il n’y a pas un arbuste ou une broussaille qui ne retienne son attention car il considère que chaque végétal possède son intelligence. Mais de telles considérations n’ont plus de sens face à un manager qui ordonne de doubler le cubage et qui assène qu’une machine remplace 10 hommes.
A l’hôpital, c’est encore la rentabilité qui a le maître mot et qui met à mal le serment d’Hippocrate. Pour que le service ne ferme pas, seul mot d’ordre, le chiffre.
Des cadres témoignent qu’ils apportent leur concours à des actes qu’ils réprouvent et qu’ils en souffrent. Mais d’autres obéissent avec ces arguments « Moi je suis trop bête, je fais ce qu’on me dit ».
Christophe DEJOURS a une explication. Il parle d’abolition de la pensée. Cette faculté d’arrêter la pensée est dénommée l’acrasie, synonyme de faiblesse de la volonté.
Il est possible aussi de se référer au « Sauve qui peut » à cet instinct du moi d’abord et après moi le déluge.
Réfléchir demande du temps mais ce n’est pas du luxe. Dans quel monde avons-nous envie de vivre ? Quand on pense que le travail en société occupe la majeure partie d’une vie humaine, il importe d’écouter les témoignages trop nombreux de ceux pour qui le travail a été ou est encore synonyme de souffrance ou même de désespoir.
Les travailleurs sont leur propre outil de travail et l’argument de la rentabilité est fallacieux face à ce que représente leur capacité de résistance aux injonctions sans âme de managers gestionnaires. Qui peut renoncer à vouloir donner du sens à son travail ? Peut-on imaginer que l’homme d’aujourd’hui soit moins créatif que l’homo sapiens. Il faut refuser l’ère de l’homme robot et privilégier la main humaine seule capable de penser et donc de respirer.
Sous la forme d’une conférence spectacle musical, ce trio original, main de velours dans un gant de fer, appelle une chaleureuse entrée en résistance de l’individu au cœur de la forêt humaine.
Paris, le 29 Décembre 2019
Evelyne Trân